L'image fantome
« Ce qui a déclenché l’écriture, c’était le regret de photos ratées en fait, de photos que je n’ai pas pu faire, de photos qui se sont révélées invisibles, fantomatiques et donc j’ai essayé d’écrire pour retrouver le sentiment que j’avais voulu donner avec ces photos. J’essaye de photographier les gens que j’aime bien ou de faire des photos quand je suis en voyage, un peu comme tout le monde, mais je suis plutôt mauvais technicien donc je rate beaucoup de photos, et j’ai essayé souvent, enfin par l’écriture, de rattraper ce que je n’avais pas réussi avec la photo. » Hervé Guibert
Elle m'a couru après.
Lui, il a pris la photo.
Il m'enviait mon Leica. Je lui enviais son Polaroïd.
Nous avons appuyé sur le déclencheur en même temps. On souriait tous les deux.
Pendant que l'image apparaissait, j'ai appris qu'elle allait partir en France le mois prochain.
Je n'étais pas sur la photo. Un ciel bleu entrecoupé de fils électriques. Un immeuble dans le ciel qu'aucun de nous n'a reconnu parmi ceux qui nous entouraient.
J'ai repris la pose.
Les contours tardaient à apparaître : le froid ralentit le développement.
Où ça ? A Paris.
Il voulait m'offrir ce cliché et en reprendre un autre pour eux.
J'ai posé une autre fois.
Combien de temps ? Sept jours. Et elle a compté jusqu'à sept en français.
La deuxième photo restait telle quelle pendant que les couleurs de la troisième montaient normalement.
Il était gêné que je reparte avec le cliché pâle.
Mais moi, ça me faisait plaisir d'être une image fantôme.
Pour 2007, je vous souhaite d'être humains, terriblement humains et sensibles aussi. Je vous souhaite de rire mais de pleurer aussi. Et de laisser une trace aussi jolie que possible dans la vie des autres.