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4.11.09

Boulimique

Un recueil de nouvelles d'Eric Faye est un festin qui ne refroidit pas, qui ne se périme pas, que je peux savourer lentement, dont je peux étaler le plaisir de lecture sur un long temps.

Mais voilà, comme d'autres achèvent une plaquette de chocolat après s'être promis de n'en manger que deux carrés pour la faire durer toute la semaine, je reprends à peine mon souffle entre deux récits jusqu'à la fin du livre.

"La veille avait été un bien curieux dimanche. Un embouteillage de minutes plus monotones les unes que les autres, qui n'arrivaient pas à passer par le goulot de cette drôle de journée. Un ciel qui pleurait à intervalles réguliers sur les vitres et le toit, soupirait à en faire claquer les volets, en décoiffer les arbres. J'ai pris ma grande décision à un moment précis de cet après-midi-là... Je terminais d'avaler un café froid en regardant par la fenêtre. Mon mari lisait une revue ou faisait semblant, ou les deux : il arrive que l'on parcoure des lignes sans rien en retenir de plus que ce qu'un avion d'épandage garde des sillons qu'il saupoudre. A un moment donné, il a dû y avoir dans cet après-midi-là quelque chose d'excessif, je dirais. Quelque chose d'imperceptiblement excessif, un débordement, et c'est alors qu'a dû se former ma décision, si bien que, dans le courant de cet après-midi-là, je me suis dit que c'était pour le lendemain, tu le fais demain, ça ne peut plus durer comme ça. Ce dimanche avait été un brin plus barbant que la moyenne... Sur une échelle de l'ennui finement graduée, on parvient à détecter des choses comme ça, aujourd'hui. Un tout petit peu plus maussade, et c'est ce petit peu qui avait fait passer le potentiomètre dans le rouge. Le soir, je me suis endormie satisfaite de ma décision mais, le plus curieux, c'est que le lendemain matin -le lundi-, je me suis réveillée animée des mêmes intentions. Combien de fois avais-je déjà renoncé, auparavant ? Et là, non. Je m'en suis étonnée et me suis dit bon, peut-être dois-je à un dimanche un brin trop dimanche de me retrouver un lundi matin sans craindre de tout bouleverser ?"
Eric Faye.
Quelques nouvelles de l'homme.

28.10.09

Ma vie en manga





"C'est ça... Quand on veut échapper au tumulte de la ville, on peut venir ici... Le plat du jour, c'est le ciel bleu".
Jirô Taniguchi-Masayuki Kusumi. Le gourmet solitaire.

18.7.09

Tout un art


"4/
Reprenons -
Il s'agit d'un projet d'écrire le baiser, le baiser du lundi, le baiser du mardi, le baiser du mercredi, le baiser du jeudi, le baiser du vendredi, le baiser du samedi, le baiser du dimanche, le baiser du monday, le baiser du tuesday, le baiser du wednesday, le baiser du thursday, le baiser du friday (ah taire), le baiser du samedi, le baiser du saturday, le baiser du sunday, le baiser de pluie, le baiser de minuit, le baiser de l'hiver, le baiser de midi, le baiser de Nantes, le baiser de Draguignan, le baiser de Strasbourg, le baiser d'Echirolle, le baiser de Montpellier, le baiser de Clermont-Ferrand, le baiser de Schiltigheim, le baiser d'Amien, le baiser de Creil , le baiser plénier, le baiser très plénier."
Un beau projet vu ici et qui mériterait d'être collectif.

4.7.09

L'envers du décor


Alors c'était donc ça.
C'était ça dont on m'avait privée en me tenant enfermée pendant six heures chaque samedi.
Les odeurs sucrées des crèpes, les couleurs extravagantes des glaces, la foule tranquille et dilettante, la lumière douce qui effleure le décolleté, les enfants gourmands aux moustaches de crème, le vent délicieux qui rafraîchit les bancs, les petits chiens bien élevés qui se saluent en se croisant, le chat altier promené en laisse, le gobelet d'earl grey du car Wolkswagen, les rires, les poussettes, les pigeons, l'après-midi sans précipitation...
C'est à tout ça qu'il aurait fallu que je renonce...
Regretter n'est pas un verbe que j'ai pour habitude de conjuguer.
Jamais je ne l'utilise à propos de mes démissions.

13.3.09

Là je suis... (1)

"Des journées comme celles-là, on en a tous connu. Tout ça avait un côté aventure, si vous voyez ce que je veux dire, la pluie et le reste mais uniquement si votre conception de l'aventure consiste à rester assis dans une cafétéria et à commander ce que vous voulez."

Oui enfin, en même temps, le simple "parce que c'est elle, parce que c'est moi" est un peu réducteur pour expliquer notre amitié.
Parce que je peux, moi, dire l'exact moment où j'ai su qu'une grande histoire commençait entre nous : quand j'ai compris qu'elle aussi, elle aimait les cafétérias.
Et on a immédiatement su que, pour nous, le mot cafet' désignait tous ces endroits de rien qui gonflent notre coeur autant par le bonheur qu'on a d'y être que par le cafard qu'ils sont à deux doigts de nous inspirer. Ces cafés ou ces restaurants simplissimes, aux toiles cirées usées, aux pichets en plastique, aux sièges d'un temps qui n'est pas le nôtre et où la carte craquelée sans surprise révèle une cuisine parfois savoureuse. Un bol d'oden. Une soupe au cerfeuil. Une glace pillée.
C'est sur le fil, c'est indicible, c'est fragile, ce qui se dégage de ces lieux-là.
C'est comme quand le soleil ne s'arrête pas de briller alors qu'il tombe une petite averse.

Aussi quand Madame Gâ m'offre le jeu de cartes des vies qu'elle m'a imaginées, elle ne s'y trompe pas.
Grâce à elle, là je suis...

"Quand apprend-on que le monde, comme n'importe quelle cafétéria digne de ce nom, est ouvert 24H sur 24 ?"
Daniel Handler. L'amour adverbe.
(Et Daniel Handler, qui a tout compris aux cafétérias et à l'amour pourrait faire partie de notre bande)

Là je suis : quand j'ai dit à Mme Gâ que j'aimerais faire, un jour, un métier qui me permettrait de lui commander des cartes de visite, elle m'a prise au mot et m'a envoyé quelques propositions ... qui sont devenues, pour moi, une source d'inspiration !
Vous pouvez lire la série ICI
Pauvre Sophie Calle qui a dû, elle, se contenter de l'imagination de Paul Auster !!!

13.2.09

En vrac

Il y a le soleil dont je ne me lasse pas.

Des choses entendues :
"-Gwen ?
-Oui ?
-Tu as un enfant ?
-Non.
-... Tu as deux enfants ?"

Des matinées sur le canapé rouge et de drôles de coïncidences dans les pages.
"Dans les chaînes de grands hôtels, partout sur la planète, on retrouve la même chambre; de même, dans tous les Starbucks on se sent chez soi. Un chez-soi où d'autres clients lisent le journal, allongent les jambes, bavardent, téléphonent, tapent sur un clavier : un terminal d'aéroport."
Marie Darrieussecq. Le Pays.

Des cheveux courts. Les miens. D'autres aussi.

Des choses lues :
"Le meilleur assaisonnement pour mes petits pains au jambon, c'est la neuve verdure du Palais Royal, le bleu neuf du ciel."
Simone de Beauvoir. Cahiers de jeunesse. Mercredi 24 avril 1929.

Des cris d'oiseaux. Des pruniers fleuris. Du tofu au sakura. Des promesses de printemps.

Des choses entendues :
"J'étais en Sibérie parce que j'avais pris le thé avec Nathalie Sarraute. C'est comme ça que les choses arrivent."
Jean-Pierre Faye. Entretien sur France Culture.

Des choses lues :
"Il faut me résigner à être une intellectuelle, mais du moins il faut savoir me servir de ce caractère. Moi je me sers de l'écriture pour essayer de fixer les moments de grâce parfaite où l'être entier est envahi par la vie jusqu'aux larmes."
Simone de Beauvoir. Cahiers de jeunesse. Vendredi 29 mars 1929.

Des nuages. Des paysages. De la vie. De la belle vie. Sans interruption.

31.1.09

"Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous les pays, y compris l'URSS"

"Eux, remarquant ce que nous avions dans la main, dirent : ce que vous avez sur les mains, ce que vous énonciez jusqu'à maintenant, n'est-ce pas ce qu'on appelle poème ? Nous lui en proposâmes un, en lieu de réponse, comme on propose des noisettes ou des pistaches fraîches : Les lampes du et et du on."
Ryoko Sekiguchi. Deux marchés, de nouveau.

Une semaine plus tard, je retourne derrière la baie, dans la lumière d'un ciel de ciment.

C'est une ville dans la ville où les allées ont des nombres en guise de nom.
C'est une forêt dormante car que font les livres lorsqu'on ne les lit pas ? Que font les livres lorsqu'on ne les emprunte pas ? A part sommeiller ou redevenir bois ?

Il y a le plaisir de parcourir ces rues sans être à la recherche d'une adresse et de poser une pile sur le bois clair de la table

A défaut de pouvoir actualiser la date de retour de chacun d'entre eux, j'alourdis les pages de mon carnet de quelques uns de leurs mots.

Hikoboshi et Tanabata :

toshi no koi le désir d'un an
en une nuit ko yoi tsuku shite
asu yori wa s'épuisera et de nouveau
demain tsume no gotoku ya de l'un
pour l'autre le désir waga koi aramu grandira

Jacques Roubaud. Mono no aware (le sentiment des choses). 143 poèmes empruntés au japonais.

Découvrez Alpha!

30.1.09

Our home town (life on Mars)

"Quelques jours plus tard déferla la première véritable vague de froid de l'hiver. L'air dans les interstices entre les immeubles d'Ikebukuro était aussi gelé que du sorbet. En le sculptant avec un couteau on aurait pu obtenir un cygne. Mais les filles, fidèles à leur poste, paradaient jambes nues en minijpe. Respect. Et gratitude."
Ishida Ira. Ikebukuro west gate park.

Ce rendez-vous à Ueno, c'est comme nous retrouver sur une planète commune alors que, dans le reste de notre vie, nous sommes, chacun à notre manière, tellement extra-terrestres.

Il raconte le sang qui coule de sa tête d'enfant. Je lui montre les veines que forme la rouille sur les portes de la ville.
De Yanaka à Ikebukuro, nous zigzaguons et la nuit qui nous surprend sur une balançoire alors qu'il est à peine l'heure du goûter nous donne l'impression que cette journée est plus longue que les autres.

Au café Pause, j'écris mon adresse sur un papier que, j'en suis sûre, il ne perdra pas.
Je ne sais pas de quelle nationalité sera le timbre sur la carte qu'il choisira de m'envoyer.
Italienne ? Française ? Espagnole ? Polonaise ?
Il n'est pas encore parti mais, déjà, j'ai hâte de son retour.

26.12.08

Aller voir la mer (ou pas)

J'avais regardé l'itinéraire, le changement de gare, j'avais tout préparé, je m'étais préparée.
Mais, au moment où j'ai enfilé mon col roulé, le soleil est venu frapper à ma fenêtre. Et puis les carillons du balcon que le vent secouait en rafales, les vitres qui tremblaient et la chute de 10° depuis la veille m'ont rappelé que ce que je préfère dans la mer en hiver, c'est le moment où on en revient, où on colle ses mains contre une tasse brûlante et où on sent sa peau resserrée, après la morsure du froid.
Alors, j'ai jeté en pluie de la crème de riz dans le lait de soja chaud et une poignée de raisins dans le fond du bol, j'ai remis de l'american breakfast tea dans un sachet sans regarder l'heure.
Et j'ai continué à lire, dans la chaleur d'une flaque de soleil pendant que, dans le livre, la tempête se levait.
Je me suis bien vue rester là toute la journée, me relever de temps en temps pour remettre de l'eau à chauffer, couper des morceaux de pomme et les saupoudrer de kinako si j'avais encore faim.

"Deux grands goélands sont venus gueuler devant les bateaux, le cou étiré, les ailes écartées, tout le corps tendu vers le ciel. Brusquement, ils se sont tus. Le ciel s'est épaissi encore, il est devenu très sombre mais ce n'était pas la nuit.
C'était autre chose.
Une menace.
C'était cela qui avait fait taire les oiseaux.
On m'avait avertie, Quand ça va commencer, il faudra plus être dehors.
Les pêcheurs ont vérifié une dernière fois les amarres des bateaux et ils sont partis, tous, les uns après les autres. Un rapide coup d'oeil de notre côté.
Les hommes sont plus forts quand la mer remonte, c'est ce qui se dit ici. Les femmes profitent de ces moments pour se coller à eux. Elles les saisissent là où ils sont, au fond des écuries ou dans les cales de bateaux. Elles se laissent prendre.
Le vent sifflait déjà . C'était peut-être cela le plus violent, plus encore que les vagues. Ce vent, qui chassait les hommes."
Claudie Gallay. Les déferlantes.

Et puis, finalement, je suis allée voir la mer.

23.11.08

Un dimanche trop court


Chaque heure de ce jour de la semaine porte en elle le regret de la précédente.

C'est Tokyo dans le soleil doux du début de l'après-midi et les cris des enfants débordent des murs du botanique.
Les chiens de passage me réclament des câlins et leurs maîtres m'en remercient.
Le photographe déclenche son moyen-format bruyant.
Les ginkos ont la couleur précieuse des lingots.

C'est l'automne mais, dans le bourdonnement des mouches et la caresse du soleil sur les marches du temple, ça pourrait être aussi l'été immobile, les champs moissonnés, la récolte du jardin et les rendez-vous de l'amour naissant le soir.
C'est un dimanche d'automne à Tokyo mais, par une soudaine ubiquité, c'est aussi, un peu, la campagne suisse de Ramuz.

"L'après-midi passa lentement. La chaleur alourdit les heures comme la pluie les ailes des oiseaux. Aline cueillait des laitues avec un vieux couteau rouillé. Quand on coupe le tronc, il en sort un lait blanc qui fait des taches brunes sur les doigts et qui colle. Les lignes dures des toits tremblotaient sur le ciel uni, on entendait les poules glousser, les abeilles rebondissaient à la cime des fleurs comme des balles de résine. Le soleil paraissait sans mouvement. Il versait sa flamme et l'air se soulevait jusqu'aux basses branches des arbres où il se tenait un moment, puis retombait; les fourmis couraient sur les pierres; un merle voletait dans les haricots. Lorsque son tablier fut plein, Aline considéra le jour, le jardin, la campagne; déjà le soleil descendait en vacillant vers la montagne à l'horizon; un peu plus tard, il s'aplatit dessus comme une boule de cire qui fond. Des charrettes roulaient sur la route. L'heure était venue. Elle avait dit : "Pour sûr."
C.F. Ramuz. Aline.

3.9.08

Le (bon) usage de la photo

Quel est donc le hasard qui préside au choix de mes lectures et les fait se répondre ?
Dans le Dernier Monde de Céline Minard, Stevens, l'unique survivant, n'a pas à se débarrasser des corps de l'humanité disparue puisque, justement, tous ses semblables ont disparu. Totalement disparu, fondu sans laisser d'autres traces que leurs vêtements :
"J'ai trouvé un short et un T.shirt sur le sol du hall et une blouse blanche légèrement usée au col et aux manches. Quand je l'ai ramassée pour la ranger quelque part, j'ai senti d'autres vêtements à l'intérieur : une chemise, un bermuda kaki, un caleçon d'homme."

Et puis, au One plus one café, je bois une théière de Pu Er et je lis L'usage de la photographie.
Annie Ernaux et Marc Marie laissaient leurs vêtements en désordre sur le sol de la cuisine, de la chambre, du couloir... Là où ils faisaient l'amour.

Un jour, Annie Ernaux a l'idée de prendre ces compositions aléatoires en photo.

"Comme si faire l'amour ne suffisait pas, qu'il faille en conserver une représentation matérielle, nous avons continué à prendre des photos. Certaines ont été prises aussitôt après l'amour, d'autres le lendemain matin. Ce dernier moment était le plus émouvant. Ces choses dont nos corps s'étaient débarrassés avaient passé toute la nuit à l'endroit même où elles étaient tombées, dans la posture de leur chute. Elles étaient les dépouilles d'une fête déjà lointaine. Les retrouver à la lumière du jour, c'était ressentir le temps." (Annie Ernaux)

Un soir, les amants décident de choisir quatorze de ces photos et d'écrire, chacun de leur côté, quatorze textes qui s'y rattachent.

"La quasi-totalité des clichés se situe en un lieu unique -Cergy. En les rassemblant, on peut se figurer qu'ils ont été pris le même jour. Ce pourrait être les photos d'un service de criminologie, et nos vêtements ce qu'il reste de nous, après que nos corps, pour une raison inexpliquée, se sont volatilisés."(Marc Marie)

C'est un livre qu'on a envie d'offrir à son amant.

Pas seulement parce que ces tas de vêtements improvisés donnent envie d'enlever les siens dans le même but !

Mais aussi -et surtout- parce qu'elle est belle, cette idée du couple : deux êtres humains qui n'ont pas pour projet de fréquenter les grandes surfaces -qu'elles soient culturelles, d'ameublement ou d'alimentation- le WE mais qui, en plus d'unir leurs corps, unissent aussi leur imagination, leur inventivité, leur créativité afin de dire leur amour, de dire leur aventure de manière singulière alors qu'elle est aussi banale ou belle que n'importe quelle autre histoire d'amour.

C'est un livre qu'on a envie d'offrir sans prétexte, sans occasion à célébrer. D'offrir comme on offre des fleurs, un joli foulard ou un nouveau carnet.

C'est un livre qu'on a envie d'offrir juste parce qu'on est amoureux, toujours amoureux.

22.8.08

Les couleurs du thé

A l'heure du réveil, le soleil encore sommeille. Et, pendant que l'eau du oolong chauffe, quelques secondes de vie commune derrière un écran, une requête à contre coeur, une requête qui déchire ("ne m'écris pas"... des mots impossibles) et des sanglots secs.
Puis un peu d'or -malgré tout- sur les paupières avant de partir.
Nous avons rendez-vous dans une flaque de beau temps et près d'une librairie.

Les udons sont parfaites. Le thé est vert et glacé. Une semaine à nous raconter. Et le reste.
Les glaçons ont le temps de fondre.
Sur la terrasse à ciel ouvert, j'inaugure le nouvel appareil (ma couleur rose, décidément).

Le vert est une couleur froide mais qui, cette fois, se boit chaude.

Nous pourrions y jouer longuement encore, au jeu de "je t'invite". Devant le car Wolkswagen, c'est mon tour. Un espresso après la glace au chocolat. Un darjeeling avant que je reprenne le train.

Notre conversation adopte les méandres des irrésistibles ruelles Showa.
Sur le balcon, le biwacha s'agrémente de warabimochi et le ciel a la teinte de l'imper d'un détective amateur.
J'aime comme il sourit.
J'aime aussi sa théorie que je n'oublierai pas, qui dit que, même si nous ne voyons pas l'intérêt de certaines rencontres, nous sommes peut-être, sans le savoir, en train de jouer un rôle dans la vie des autres.

Dans la Yamanote me vient l'envie d'un thé rouge aux marrons glacés pour refermer la journée.

9.8.08

Du vrac (une rétrospective)

Chaque jour commence dans le bleu et quand la Yamanote me fait faux bond, c'est le bus qui me conduit à Ueno. Et je voyage avec François Truffaut.

Au Bad Ass café, le visage des filles est très rond et de la crème chantilly surplombe leur boisson.

A Jimbocho, on me dit "bonjour monsieur".
Dans les livres que j'achète d'occasion, rares sont ceux qui sont noircis d'annotations, de traductions ou d'interrogations au-delà du premier chapitre.

J'assortis mes yeux au bleu de Monastir. A avoir froid dans les cafés, on oublie à quel point il peut faire chaud de l'autre côté de la vitre.

Sur le quai n°7 se succèdent les trains ("abunai desu kara kiroi sen made...."), les courants d'air chaud et les mails qui font trembler mon téléphone, au creux de ma main. Quand ils sont au nombre de 994, ma boîte sature. Ils sont au nombre de 994. Et portent tous la même signature.

Dans les cafés, je dors, je lis, je bois des laits chauds, je bois des thés glacés, je rêve de savoir utiliser des crayons de couleur.

A l'Excelsior, en avance sur l'heure de mon rendez-vous, je m'extrais de tous les sons mêlés -conversations, musique, bruits de percolator, de couverts, de chaises- afin de poursuivre ma lecture.
Je ne peux, en revanche, faire abstraction du bruit des sacs plastiques que ma voisine -une vieille dame qui parle toute seule- agite et froisse en transvasant ses courses. Elle finit par les plier avec un soin maniaque, en les lissant contre le bord de la table et c'est comme si c'était contre mes nerfs.

(Anne-James Chaton en lecture) 
Au Flying teapot, on rit à l'évocation d'Hubert Mounier et les musiciens jouent un peu comme si on n'était pas là. J'aurais aimé que la lecture dure et dure. Et, avant de donner nos adresses mail, on parle coiffure.

En traversant la nuit à vélo, j'écoute Tarwater. D'une fenêtre ouverte s'échappe l'odeur forte et caractéristique des tatamis en été. Un de mes premiers souvenirs de Tokyo. Il y a trois ans.

"J'ai préféré ma paresse, la solitude ouatée des souvenirs obliques. Qu'importe : on n'écrit jamais que sur soi."
Jean-Baptiste Harang.