Après la nuit
Il y a eu, sitôt le départ décidé, le seuil franchi, la main sur le guidon, un mal de tête lancinant, de ceux qui s'installent pour longtemps.
Et mes lentilles fatiguées, qui m'ont rendue la ville floue.
Il y a eu ces deux vieux, juste là, sur le trottoir, avec leurs chiens vieux eux aussi et étalés à leurs pieds. Ma nuit devait se lire sur mon visage : ils m'ont souri avec indulgence et j'ai souri aussi.
Il y a eu un coup d'oeil à droite. Oui, sans doute, j'aurais dû tourner mais après tout, je ne suis pas pressée.
Il y a eu cette rue, jamais traversée, j'en suis certaine et que, sans doute, je ne pourrais pas retrouver si je la cherchais. Cette rue aux prostituées qui se donnent encore une chance -maigre chance- en appelant cet homme, saoul. Qui, non, n'est pas en état de répondre.
Il y a eu ce feu qui passe au vert mais auquel je m'arrête quand même pour regarder passer, sur le trottoir d'en face, ces trois filles comme des apparitions. Robes chiffonnées, chaussures à la main, maquillage coulé. Mais qui ont encore cent raisons de rire.
Il y a eu ce jeune homme, cheveux hirsutes, coupe à la mode, costume fané. Qui ne marche pas droit alors qu'il le croit.
Il y a eu ce souffle d'air mais, déjà, la chaleur de la journée s'installait.
Il y a eu cette rue. Ah tiens, je la connais. Décidément, jamais perdue. Cette rue connue mais jamais un dimanche à cette heure-là, jamais sous cette lumière.
Il y a eu cette descente dans laquelle j'aime oublier qu'il y a des freins à mon vélo.
Et la côte et là, ça devenait trop dur.
(Parfois, j'aimerais ne jamais dormir pour profiter de toutes les lumières du jour, de toutes les étoiles de la nuit. Mais il y a eu quelques heures, à peine, pas assez, de sommeil)
Et, plus tard, monter jusqu'au toit et voir le jour décliner, la nuit tomber, à nouveau la nuit.
La nuit tombe tôt à Tokyo mais sur les toits, il ne fait pas noir.
Sur les toits, il y a, parfois, de la musique, des bières, des rires et des conversations dans toutes les langues.
Et le rêve que, bientôt, les Japonais, après avoir inventé l'eau chaude à portée de tous et en kit, se penchent sur les bâches bleues molletonnées.
4 commentaires:
ben alors gwen ou étais tu passée? ca existe deja les baches de picnic molletonnées... ok il y a miss kitty dessus, ok elles sont taille enfant mais quand meme : ca existe deja!
Ton toit me rappelle mon ex-toit...
Chez moi, il y avait des draps qui séchaient, vue sur la ville rose et le fleuve, souvent des cris onze étages plus bas, et le boulevard qui ronronnait même la nuit...
Bonne nuit chez toit !
Il y manque un chat, sur ces toits... gris évidemment !
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