31.10.08

"Les femmes et les nuages, c'est un peu pareil"


J'ai bien aimé qu'elle fasse un détour, m'ayant aperçue dans la file d'attente, pour me dire bonjour. Mais aussi au-revoir puisqu'à Noël, elle déménagera en Norvège. Et elle a dit que, peut-être, ils reviendront un jour en voyage au Japon puisqu'en deux ans, bien sûr, ils n'en ont pas tout vu.

Ensuite, les portes se sont ouvertes et, dans la pénombre, des photos presque douces d'Araki étaient projetées sur l'écran.
Philippe Forest parlait de poésie et de photographie quand il a dit qu'une oeuvre d'art était, pour lui, l'empreinte d'une main. Qui nous fait signe. L'empreinte d'un instant, aussi.

A la fin, il y a eu la poignée de main de Jean-Yves Cendrey et le regard franc de Marie N'Diaye -ses yeux qui ne se détournent pas. Pour y avoir répondu moi-même cent fois, je m'en voulais de lui poser cette question et, pourtant, en l'écoutant me répondre, je ne l'ai pas regretté.

Car elle a dit non, qu'ils étaient juste allés à Kamakura mais que, le reste du temps, ils avaient continué à marcher dans Tokyo. Et j'ai été, un peu bêtement, heureuse de savoir qu'ils ont connu cette expérience-là, de la ville infinie aux cent mille ruelles et que le quartier qu'elle a préféré est celui où j'ai fait connaissance avec les heures inépuisables de découvertes minuscules.

Marchant comme d'habitude dans le petit matin, j'ai essayé d'imaginer le jour où je partirai. (Sans doute pas vers la Norvège car, plus encore que de tofu, je me nourris de lumière.)
Je sais qu'ensuite, je ne reviendrai pas. Car, décidément, je ne suis pas voyageuse. Je sais que, du Japon, je ne verrai sans doute jamais rien. Mais que je connaîtrai par coeur des kilomètres innombrables de cette ville-village.

"Tous les souvenirs enfin s'effacent. Et puis restent les rêves. Alors, comme ils sont seuls désormais, c'est à eux que l'on confie le souci de sa vie."
Philippe Forest. Sarinagara.

30.10.08

C'est jeudi !


Et, dans la boîte aux lettres de nos jeudis, j'adresse à Madame Gâ quelques traits de plume que je n'ai pas tracés.

29.10.08

Les balais de l'automne (1)


"le temps est gris mais le soleil brille dans mon coeur. Le jour s'est levé. Dans les champs qu'enveloppe la brume d'automne, les chasseurs tirent des coups de fusil sur tout ce qui bouge. C'est la saison des marrons et des faits divers. Je devrais tous les matins acheter Sud-Ouest pour faire une collection de meurtres de chasseurs par d'autres chasseurs. Les chasseurs, c'est comme les champignons. Ils ont beau se tirer dessus, il en reste toujours."
Emmanuel Hocquard. Ma haie.

Sans avoir l'âme d'une collectionneuse, j'enferme, depuis quelques temps, de nombreux balais dans un placard de mon disque dur.
Après les les cartes postales de l'été, voici donc une nouvelle série : de quoi ramasser les feuilles mortes (ou ce qu'on pourrait prendre pour tel).

28.10.08

Tuesday self portrait (ma vie en technicolor)


Des années 80, je préfère oublier la mode. Mais j'en retiens et j'applique le slogan "La vie est trop courte pour s'habiller triste !"
En ce qui concerne les années 2000, je compte y faire mienne la devise des éditions Rue du monde : "Travailler moins pour lire plus"

27.10.08

Le renard et le corbeau


A mon approche, le chat a filé. Le corbeau, lui, ne s'est même pas détourné.
Je ne sais pas si toutes les cultures attribuent le même caractère aux animaux. Je ne sais pas si, par exemple, le renard est aussi rusé au Japon qu'il l'est en France.
Mais, ici, c'est le corbeau qui, sans aucun doute possible, incarne l'insolence.

26.10.08

L'heure d'hiver

"Voilà des jours qu'on nous rebat les oreilles, à la radio et à la télévision, avec ces grandes questions célestes : faut-il supprimer le changement d'heure entre l'été et l'hiver ? Faut-il préférer l'heure d'hiver à l'heure d'été ? A quelle heure se lève le jour ? Etc.
Au quatrième top, il sera exactement huit heures est à la l'évidence un mot d'ordre, pas une information. Pourquoi tout le monde devrait-il marcher à la même heure ? Ne suffirait-il pas que ceux qui ont à mener ensemble telle affaire règlent entre eux leur montre comme avant un hold-up, et laissent les autres vivre le temps à leur convenance ? Dans les années cinquante, L. Mumford avait mis en évidence, de manière très plaisante, le rôle de l'agencement beffroi-horloge dans la naissance du capitalisme.
"The Eliminator est une horloge qui ne donne pas l'heure mais la perd. Les intervalles entre les flashes de néon sont des "intervalles vides" ou ce que Georges Kubler appelle "la rupture entre passé et futur". The Eliminator ordonne un temps négatif tout comme il se soustrait à l'espace historique." (Robert Smithon)
Pourtant, à quelque chose le système de l'heure et des fuseaux est bon : le décalage horaire. Nécessaire décalage entre une voix et son écho, entre une langue et une autre langue. Mais aussi entre nous."
Emmanuel Hocquard. Ma haie.

Ici, nos montres sont réglées une fois pour toutes.
Et il faut croire que mon horloge interne aussi. Elle qui me fait vérifier chaque jour que, maintenant comme en été, il fait jour à cinq heures et demi.

25.10.08

La vie des livres (2)

Que laissons-nous de nous-mêmes dans les pages que nous lisons ?
Parfois, oui, un marque-page ou des coups de crayon.
Parfois des larmes ou des sourires, des emportements, des déceptions ou des enthousiasmes. Tous ces sentiments invisibles que font naître les mots.
Acheter un livre d'occasion, c'est entrer encore plus sûrement dans la communauté imaginée formée par ses lecteurs. Ces personnes dont on ne sait rien, disséminées partout dans le monde mais avec qui nous avons au moins ce point commun : la lecture d'un livre en particulier.
Aujourd'hui, dans les rayons du Book off, il y a le livre de Véronique Ovaldé qui m'accompagne à Jiyugaoca et que je commence à relire à l'heure du thé.

De ce roman, je sais qu'il a été offert, ainsi qu'en témoigne la pastille bleue qui recouvre le prix.
Je sais également qu'il a voyagé entre Paris et La Baule de 9 heures à midi un 14 novembre. Et j'imagine trois heures de paysages qui défilent sans que le lecteur y prenne garde.
Le billet de train a été glissé entre la page 14 et 15 et y est resté.
Et je lis ces pages comme si allait m'apparaître un sens caché, un message codé, le langage d'un lecteur à un autre.

"Samuel se lève et me tend la main pour m'aider. Nous restons un instant debout sur les marches. Je trouve cet homme merveilleux, c'est ce que je me dis tout bas, cet homme est une merveille. Je ressens une joie intense, en plein plexus, d'être là auprès de lui ; je ris pour masquer mon émotion et nous rentrons tous les quatre dans la maison pour manger autour de la table en parlant bas afin de ne pas déranger les phalènes et la nuit d'été qui transporte les voix au-delà du jardin, afin de ne pas déranger mes fantômes et la plénitude de cette soirée."
Véronique Ovaldé. Les hommes en général me plaisent beaucoup.

C'est émouvant, la vie des livres.

24.10.08

L'autre versant

A Nelson qui m'interroge (me complimente ?) sur les origines de ma si bonne mine, je dis les heures au soleil et dans les livres, qu'elles soient celles des parcs ou celles du balcon.
Et quand ses yeux très bleus se plissent dans son sourire, quand il me dit que j'ai la vie belle, je ne saurais le contredire.
Mais belle est la vie aussi quand je m'éveille au son de la pluie et que je sais que, s'il le faut, je cuisinerai le gâteau du soir avec ce qui reste dans mes placards, quand je sais qu'aucune raison ne m'oblige à aller dehors tremper le bas de mes pantalons.
Je vis sur mon lit comme sur une île dont la boisson nationale est chinoise et fumée (Lapsang Souchong, le goût du thé), je laisse agir les bourrasques qui donnent aux rideaux une existence soudaine et désordonnée et je me laisse éblouir par l'essai intelligent de Jean-Christophe Bailly sur la question animale, qui me rappelle à quel point je suis urbaine, à quel point je vis loin des animaux, y compris de ceux qui, avant, garnissaient mon assiette.
Et, au fur et à mesure de ma lecture, des images comme des flashs me reviennent.

Les champs belges dont, à pied, je longeais les haies peuplées d'oiseaux bruyants. Les hirondelles qui hachuraient les soirs de mon enfance. Les moutons, tranquilles, dans leur champ martiniquais, qui m'avaient enthousiasmée au point que je coure vers eux, les mains tendues en avant, m'électrocutant contre le fil qui les gardait. Le cochon écorché dans la cour de la fromagerie visitée. Le pelage des chats et cette question irrésolue : qu'est-ce que Médor percevait-il de moi quand je ne le touchais pas, quand je ne lui parlais pas mais que je le regardais en souriant ? Les cloches suspendues au cou des vaches suisses que le brouillard ne me permettait pas de voir, seulement d'entendre. Le serpent fugitif de Kamakura. Les heures passées au zoo de Lille, à me faire lécher les doigts par les jeunes lémuriens à qui je grattais le dos, à travers la grille. L'iguane aperçu en Guadeloupe, le renardeau égaré vu sur le bord de l'autoroute. La forêt bruissante traversée jusqu'au poste de guet, une nuit de brame des cerfs. L'après-midi entier passé en Normandie dans la lamentation des veaux. Les poissons dont le vol avait accompagné la traversée en mer et, une trentaine d'années plus tard, ces mêmes poissons, aux ailes dépliées, sur un stand du marché de Tsukiji. La nuit perturbée par le passage d'une taupe sous notre tente. Les aboiements des chiens chasseurs que je redoutais de croiser, seule dans la forêt. Le sanglier me dépassant sur le sentier sans même me regarder. Les chevreuils, les lapins détalant dans les bois solognots. Les yeux des ânes qui me rendent coupable -mais de quoi ? Le cri de l'oiseau nocturne qui, tout un été, a retardé mon sommeil en m'évoquant les images inquiétantes (une balançoire désertée qui continue à se balancer en grinçant, un portail qui bat au vent...) des films d'horreur que, pourtant, je n'ai jamais vus.

Ces animaux dont la vie a croisé la mienne de manière fugitive, souvent très fugace et qui, à l'occasion de ma lecture, forment un bestiaire disparate.

"Ce qui s'ouvre par là, ce n'est pas une discussion sur "l'intelligence animale" avec tout son pénible cortège d'évaluations quantitatives, c'est la possibilité qu'il y ait, pour le sens, d'autres incorporations et d'autres voies que celles que le seul Umwelt humain capture, c'est, en d'autres termes, qu'il n'y ait pas d'exclusivité humaine du sens. Des nuages d'intelligibilité flottent autour de nous et s'entrecroisent, s'étendent, se rétractent.
"Le déploiement d'un Umwelt, écrit von Uexhüll, c'est une mélodie, une mélodie qui se chante elle-même" : la mélodie est à la fois chant proféré et chant entendu à l'intérieur de soi, chaque animal a en lui le chant de son espèce et commet sa variation. Ce chant, à chaque fois varié autrement, décrit un paysage, ce qui revient à dire une lecture du paysage -un parcours, une traversée, une remémoration. Il est des animaux grégaires, au champ d'espace-temps circonscrit, il en est d'autres qui l'étendent sur des distances considérables. Mais dans tous les cas la pelote formée avec le monde, quelle que soit sa valeur d'enveloppement, constituera un territoire, un monde : et le monde n'est rien d'autre que l'interpénétration de tous ces territoires entre eux, que "l'enveloppement des Umwelten les uns dans les autres", pour reprendre une autre formule de Merleau-Ponty."
Jean-Christophe Bailly. Le versant animal .

23.10.08

C'est jeudi !


Et, dans la boîte aux lettres de nos jeudis, je rends compte à Madame Gâ de ces minuscules moments que certains pourraient qualifier de perdus quand moi, je les pense si précieux.

22.10.08

Petite voiture


21.10.08

Tuesday self portrait (la myopie)


L'orthoptie consiste (en gros) à faire entrer un lion dans sa cage.
Et, constatant le retour de mon strabisme, je sais que quelques séances de dressage ne seraient pas superflues.

20.10.08

Clichés etc

De ce lundi, il n'y aura pas de photo car, dans le matin pressé, la batterie est restée sur son chargeur.
Mais de chaque jour, si l'on veut, on peut dresser l'inventaire des "choses qu'on aimerait ne pas oublier" et dont l'objectif d'un appareil photo serait incapable de garder la mémoire. Et cet inventaire est infini...

Ce lundi, il y a eu :

le soleil à l'heure des onigiris, la trace de rouge à lèvres sur la paille du lait de soja, le son mat de la balle qui vient se loger dans le creux du gant de baseball, la touche "make strong" du distributeur de thé vert (une révélation), les flancs de la montagne dont le vert ne se démoralise pas, le réveil dans ses mots : "les amours les toujours il ne faut pas seulement les écrire il faut aller vers", le début d'un bel été dans les pages de Pavese : "Il y en a un qui raconte qu'il peint comme nous autres nous nous mettons du rouge à lèvres. "Qu'est-ce que tu peins, toi, quand tu te mets du rouge ? Eh bien, moi, je peins la même chose.
-Mais avec du rouge, on se fait les lèvres.
-Et lui, il fait sa toile.", la compote de kaki-kiwi mélangée au tofu à la banane, l'escalier en pente raide que j'emprunte pour la première fois après la tombée du jour et le soir empli de grillons, un ananas à 158 yens, l'aspirine qui fait passer le mal de tête, un mail qui fait vibrer mon téléphone
etc.

19.10.08

Un dimanche noir et blanc

Et puis, parfois, ce n'est pas si facile.

Et le thé est à peine assez fort, les heures à peine assez longues pour explorer le noir et blanc et réfléchir à ce que je veux en faire.

Avant de choisir le temporaire et la facilité...

...à moins que je décide de faire des spirales ma signature !

18.10.08

L'heure du thé


Mon courrier a la couleur ambrée du Darjeeling qui accompagne si bien les cookies au kabocha.

"Quand j'étais petit, je recopiais des livres entiers ou des passages entiers de livres que j'envoyais à mon amie. J'aurais pu lui envoyer les livres, mais je lui envoyais des copies, écrites de ma main, de livres que j'aimais. Si je lui avais envoyé les livres, je lui aurais envoyé de la littérature. Telle ne devait pas être mon intention. Mon intention devait être de lui dire que je l'aimais en lui envoyant, copiés de ma main, des livres ou des passages de livres que j'aimais. En lui adressant ces copies, je lui adressais de la littéralité."
Emmanuel Hocquard. Ma haie.

17.10.08

Les petits déjeuners enchantés


"Dans les mangas, les personnages ont l'air de manger autrement. ça a l'air simple, raffiné, mesuré, délicieux. On mange comme on regarde un beau tableau ou comme on chante dans une chorale. C'est ni trop ni pas assez : mesuré, au bon sens du terme. Peut-être que je me trompe complètement mais la cuisine française, ça me semble vieux et prétentieux, alors que la cuisine japonaise, ça a l'air... eh bien, ni jeune ni vieux. Eternel et divin.
Bref, M. Arthens est mourant. Je me demande ce qu'il faisait, le matin, pour rentrer dans son rôle de vrai méchant. Peut-être un café serré en lisant la concurrence ou bien un petit déjeuner américain avec des saucisses et des patates sautées. Que faisons-nous le matin ? Papa lit le journal en buvant du café, maman boit du café en feuilletant des catalogues, Colombe boit du café en écoutant France Inter et moi, je bois du chocolat en lisant des mangas. En ce moment, je lis des mangas de Taniguchi, un génie qui m'apprend beaucoup de choses sur les hommes.
Mais hier, j'ai demandé à maman si je pouvais boire du thé. Mamie boit du thé noir au petit déjeuner, du thé parfumé à la bergamote. Même si je ne trouve pas ça terrible, ça a l'air toujours plus gentil que le café, qui est une boisson de méchant. Mais au restaurant, hier soir, maman a commandé un thé au jasmin et elle m'a fait goûter. J'ai trouvé ça tellement bon, tellement "moi" que, ce matin, j'ai dit que c'était ce que je voulais boire dorénavant au petit déjeuner. Maman m'a regardée d'un air bizarre (son air "somnifère mal évacué") puis a dit oui oui ma puce tu as l'âge maintenant.
Thé et manga contre café et journal : l'élégance et l'enchantement contre la triste agressivité des jeux de pouvoir adultes."
Muriel Barbery. L'élégance du hérisson.

Il ne faudrait pas croire que nous ignorons que ces vendredis matins sont des moments de bonheur pur.
Nous le savons. Nous en savourons tous les instants.

16.10.08

C'est jeudi !


A l'heure des rideaux de fer encore clos, j'écris à Madame Gâ et rentre chez moi, poster les échos de mes petits matins dans la boîte aux lettres de nos jeudis.

15.10.08

Dans les draps


Quand Nelson a pris mon bras, devant la photocopieuse, l'a-t-il senti se contracter ?
Ca me réjouit, ici, de n'embrasser que des gens qui me sont proches, de ne serrer des mains qu'occasionnellement. Aussi, je suis toujours surprise par ces gestes inattendus .
Ce pays est réputé pour l'absence de contacts humains.
Pourtant, dans l'Odakyu, nous avons la fatigue, le silence et le sommeil en commun, ces choses si intimes. Et, basculant les uns contre les autres, les corps se touchent dans ces cas-là, les cheveux s'emmêlent, les genoux ne se disjoignent pas. Chacun s'enferme dans sa propre lassitude, peu importe ce que vit le voisin.
Mon voisin, cette fois-là, ne dormait pas. Je le sentais nerveux, à toujours bouger, agiter les jambes, changer de position, ouvrir et refermer son téléphone, vérifier le nom des stations.
Et c'était comme si j'avais affaire à un insomniaque qui se tourne, se retourne, soupire, rallume la lumière, tourne bruyamment les pages d'un magazine, froisse les draps. Le genre de choses qu'on pardonne seulement à l'être qu'on chérit (et qui, lui, d'ailleurs, plutôt que de nous les imposer, s'en va à la cuisine, boire un verre de lait ou lire de la poésie...).
Et j'ai eu envie de lui dire : "mais enfin, monsieur, on ne se connaît pas, veuillez à présent sortir de mon lit !"

14.10.08

Tuesday self portrait (la fête)

"Gertrude Stein disait que les gens peuvent pour ainsi dire être créés par leur nom. Comme je suis griot à Bouliac, donc probablement un peu animiste, je crois que les gens qui écrivent peuvent pour ainsi dire être créés par le caractère typographique qu'ils utilisent. Je sais peu de choses de Mr. Times mais je redoute d'écrire un jour comme lui, s'il a écrit ou comme il aurait écrit, s'il n'a pas écrit. On devrait pouvoir choisir son nom et son caractère, au lieu d'être contraint de s'en remettre aux parents et à Mr. Macintosh."
Emmanuel Hocquard. Ma haie.

Comme l'information ne figure que sur les calendriers bretons, peu de monde la connaît et les autres s'en fichent. Mais il se trouve que, aujourd'hui, c'est ma fête.

12.10.08

La fin d'une averse

Un autre jour, c'était moi dans la rue et j'avais levé les yeux. Il y avait une femme, à ma place. Elle ne me regardait pas. Elle regardait ailleurs mais ne paraissait pas distraite.
Il y avait ces mots qui m'étaient venus à l'esprit : "ultra moderne solitude"...

Le café Miyama est idéal pour attendre la fin de la pluie d'un samedi matin.
Depuis le premier étage, je croise quelques regards, à travers des parapluies transparents.
Je ne suis pas seule. Mais obstinément solitaire, ça oui.

"La vie dure très longtemps, parfois, surtout le dimanche quand on est adolescent."


"On mangeait beaucoup de chewing-gums à la maison. Le long de la voie ferrée on avait des tas de chewing-gums avec des parfums qui n'ont pas tenu la distance. Je me souviens de licorice et de strawberry-lemon. Je me souviens de ginger-cinnamon et d'anis. Je me souviens de ça pour pas me souvenir du reste. Pourtant le reste il est ici devant moi. C'était un peu avant le début des années quatre-vingt, où ça s'est mis partout à péter les durites. Il y a eu aussi moins de choix pour les goûts de chewing-gums, après ça. Elle venait vers mon bureau où j'attendais le temps passer. Je ne l'entendais pas, je n'étais pas là pour longtemps de toute façon. T'en veux un ? Licorice, demain, lundi, j'allais me remettre à fumer. Magali préférait les strawberry-lemon, on avait aussi cassis et puis fruits verts. On aimait bien le hit-parade, on faisait des bulles en chantant. Pour qu'on s'amuse encore plus elle m'en donnait un que je n'aimais pas du tout, par exemple un chewing-gum à la poire. Il y avait vraiment des parfums dégoûtants ces dimanches-là."

Il pourrait flotter un parfum d'oeuf dur dans la rue à Ginza le dimanche et je n'en serais pas étonnée.
Sous les parasols, on déballe les onigiris maison, on boit le café du thermos.
Les trottoirs les plus chers du monde n'empêchent pas cette ambiance de congés payés.
Et moi, j'ai presque l'impression de lire au bord de la mer. Mais, dans les pages, c'est Ménilmontant, Asnières, St Ouen et les dimanches y sont longs comme des jours sans pain.
Qu'est-ce qui, dans la vie, me procurerait le même effet que ce livre de Dominique Fabre à part un sachet de Picorettes ???
Mais les Picorettes, ça n'existe plus. Restent ses mots à lui, qui disent si bien ce temps où on ne sait pas quoi faire de soi-même, où on n'a pas les clés du monde, où il ne reste plus qu'à attendre. Attendre de devenir soi. Enfin. Et plutôt un lundi.

"Les printemps ont bien changé depuis l'adolescence : j'ai vieilli. Les arbres sont toujours aussi verts, et c'est toujours un peu plus douloureux chaque année, le vert des arbres. Il paraît que ça se calme, avec le temps. Il y a même beaucoup de choses qui se calment, avec le temps. Mais pas le silence, jamais le printemps. Il y a des choses qui continuent d'exister, mais en fait on va bien, on finit par exister à côté d'elles en leur compagnie, en leur plus ou moins bonne compagnie."
Dominique Fabre. J'attends l'extinction des feux.

11.10.08

La belle saison

C'est l'automne et le temps retrouvé pour les ruelles au soleil.

Ce temps volé à rien ni à personne, entièrement dévolu au regard et à l'improvisation d'un voyage en zigzag, agrémenté de couleurs vives et de minuscules jardins qui me mène à Ikebukuro, jusqu'au comptoir bruyant où je dépose les pellicules impressionnées.

Plus tard, c'est sortir du magasin, les mains pleines de papiers et de pochettes colorés, à l'heure où les lampions s'allument, l'heure où la lune prend son tour de garde dans le ciel, aussi ronde que l'astre chaud.

10.10.08

(jamais) Sans lui

Hier, il y avait du soleil sur le terrain de base-ball et des garçons, jeunes, torse nu, en débardeur rose et de bonne humeur se lançaient des balles et des cris.
Moi, je jonglais entre mon couteau, ma pomme, mes yeux éblouis et la page de mon livre que je ne voulais ni tacher du jus du fruit ni perdre.
Hier, le livre était celui de Dominique Fabre et la lecture de ses mots est toujours un peu sportive : j'ai besoin d'un temps de récupération au détour de certaines phrases qui me font l'effet d'un grand coup de poing dans le ventre, qui me font monter les larmes, qui me touchent au plus profond.

Ma mère a longtemps été mon mentor en matière de lecture. On partageait les enthousiasmes ou pas : elle me disait "tiens, lis ça", elle m'offrait certains de ses livres et d'autres, qui vivaient dans le placard chez Mamy, ont agrémenté mes vacances.
Mais, façonnant mes goûts, elle m'a également fait découvrir mes réticences : grâce à elle, j'ai découvert très tôt que Jules Verne, la Comtesse de Ségur, Alphonse Daudet, Jack London... n'entreraient pas dans mon panthéon personnel.
Mark Twain a aussi fait partie des auteurs "tiens, lis ça"... Et j'ai obéi à l'injonction pendant quelques chapitres seulement. L'Amérique sudiste, les histoires de campements, de fugues de jeunes garçons, tout ça... J'ai rendu le livre à ma mère.
Mais je ne sais pas expliquer pourquoi, il y a le détail d'une scène qui m'a marquée à vie, qui me revient toujours.
Huckleberry Finn est déguisé en fille et il est chez la Veuve qui n'est pas sensée savoir qu'il s'agit d'un garçon. Elle lui lance un fruit et, en plus de tendre les mains, il serre ses genoux. Alors, la Veuve lui explique qu'elle sait qu'il n'est pas une fille car une fille les aurait écartés afin de tendre sa jupe qui aurait recueilli la pomme si ses mains y avaient échoué.
J'y pense systématiquement, quand je tente de rattraper quelque chose en joignant les genoux (parce que j'ai beau être une fille, je ne suis pas souvent en jupe).
Et hier, encore, quand mon livre est tombé malgré tout parce que, maintenant, il reste un espace entre mes cuisses quand j'ai les genoux joints.

Il est parfois difficile de renier nos certitudes enfantines et je ne suis jamais revenue sur mon "C'est nul" édicté à la lecture de Mark Twain, du haut de mes approximatifs dix ans.

Et pourtant. Un soir, Joël était dans la cuisine et, s'il était là, il y avait forcément du vin rouge sur la table, un repas en train d'être préparé et des noms d'auteurs dans notre conversation. J'en ai rajouté un peu dans le "Ah non pas lui !" à l'évocation de Mark Twain. Mais Joël ne s'est pas démonté, il a sorti son livre et nous en a lu un passage. Et, comme j'étais devenue adulte et bien qu'étant restée intransigeante (Joël disait plutôt "chieuse"...), je me suis inclinée à la fin de sa lecture. C'était drôle, enlevé, savoureux. Merde alors !
De même que l'anecdote entre Huckleberry Finn et la Veuve, ces soirées avec Joël dans les bougies de la cuisine ou ces goûters dans le salon me resteront toujours.

L'autre jour, j'ai entendu Bernard Hoepffner, à la radio. Il a retraduit Huckleberry Finn et, à la fin de l'entretien, je savais que j'allais le lire, ce "fucking book" ! Et je n'ai pas été étonnée d'entendre E. me dire qu'il pouvait me le prêter parce qu'il venait de finir de le lire. Parce qu'E. non plus, n'oubliera rien de ces moments dans la cuisine Moyen-Age, n'oubliera pas la voix de Joël.

"Est-ce qu'il faut toujours tuer les gens ?"
"Oh, pour sûr. C'est ce qu'il y a de mieux. Certains spécialistes ont une autre opinion, mais le plus souvent on dit qu'il vaut mieux les tuer. Sauf quelques uns qu'on amène à la grotte et qu'on garde jusqu'à ce qu'ils soient rançonnés."
"Rançonnés ? C'est quoi ?"
"J'en sais rien. Mais c'est ce qu'ils font. J'ai lu ça dans les livres; et alors, naturellement, c'est ce que nous devons faire."
"Mais comment on peut le faire si on sait pas ce que c'est ?"
"Mais bon sang, on est obligés de le faire. Je vous ai bien dit que c'était dans les livres, non ? Est-ce que vous voulez faire différemment de ce qu'on dit dans les livres, et finir par tout mélanger ?"
"Oh, tout ça c'est bien joli à dire, Tom Sawyer, mais, enfer et abomination, comment qu'on va rançonner ces gens si on sait pas comment le leur faire ? C'est ça que je veux dire. Bon, à ton avis, c'est quoi, ce truc ?"
"Eh bien, j'en sais rien. Mais peut-être que si nous les gardons jusqu'à ce qu'ils soient rançonnés, ça veut dire jusqu'à ce qu'ils soient morts."
"Eh bien, ça c'est quelque chose. ça me va. Pourquoi t'as pas dit ça tout de suite ? On va les garder jusqu'à ce qu'ils soient rançonnés à mort -et c'est sûr qu'ils vont nous enquiquiner, en plus, ils mangeront tout et chercheront tout le temps à s'évader."
"Comme tu causes, Ben Rogers, Mais comment tu veux qu'ils s'évadent alors qu'il y aura un garde, prêt à les abattre dès qu'ils bougent le petit doigt ?"
"Un garde. Ah, elle est bien bonne. Alors quelqu'un devra rester éveillé toute la nuit sans dormir, juste pour les surveiller. Je trouve ça idiot. Et pourquoi on prendrait pas un gourdin pour les rançonner dès qu'ils seront arrivés ici ?"
"Pasque c'est pas comme ça dans les livres -voilà pourquoi. Bon, maintenant, Ben Rogers, tu veux faire les choses comme il faut ou pas ? -c'est ça le truc. Tu crois que les gens qui font les livres, ils savent pas comment les choses doivent être faites ? Tu crois que toi, tu peux leur apprendre quelque chose ? Mais certainement pas. Non, monsieur, on va simplement les rançonner comme il faut."
"D'accord. Je veux bien; mais je dis quand même que c'est une façon idiote. Et puis -on tue aussi les femmes ?"
"Eh bien, Ben Rogers, si j'étais aussi ignorant que toi, je le montrerais pas. Tuer les femmes ? Non -personne a jamais vu un truc pareil dans les livres. On les emmène dans la grotte et on est toujours aussi polis qu'un miroir avec elles; et au bout d'un moment elles tombent amoureuses de toi et elles ne veulent plus jamais rentrer chez elles."
"Bon, si c'est la manière, je veux bien, mais je l'ai pas vraiment à la bonne. Très bientôt on aura la grotte tellement pleine de femmes, et puis de types attendant d'être rançonnés, qu'on aura plus de place pour les voleurs. Mais c'est bon, j'ai rien à dire."
Mark Twain. Aventures de Huckleberry Finn.

ça fait trois ans que Joël est mort et qu'il ne me quitte pas.
Il m'arrive aussi de penser à Thomas, son fils qui grandit sans lui.
J'y pensais, hier, près du terrain de base-ball, parmi les cris des garçons et en lisant les nouvelles de Dominique Fabre qui, lui aussi, a grandi sans père.

"La vie je voulais bien qu'on n'ait plus jamais à se regarder dans la glace de la salle de bains, seulement aller droit devant et puis voilà."
Dominique Fabre. J'attends l'extinction des feux.

9.10.08

C'est jeudi !


... Et c'est dans la boîte aux lettres de nos jeudis que j'envoie un morceau de science fiction à Madame Gâ.

8.10.08

"Je ne cherche pas, je trouve"


"Picasso, dans ses premières toiles cubistes, mettait des lettres d'imprimerie, et Juan Gris le faisait aussi, pour établir une relation fixe entre la surface peinte et un élément stable ; la lettre d'imprimerie fournissait l'élément stable. Graduellement, au lieu de se servir de caractères d'imprimerie, ils peignirent des lettres et tout fut gâché, Juan Gris seul peignait avec assez d'intensité une lettre d'imprimerie, pour pouvoir en tirer un contraste rigide avec le reste du tableau. Ainsi le cubisme s'établit petit à petit, mais il s'établit."
Gertrude Stein. Autobiographie d'Alice Toklas.

C'est mon Holga, ce n'est pas moi, qui invente la photo cubiste !


(Des émissions de radio choisies accompagnent toutes mes matinées. Et j'aime quand ce sont des amis qui s'invitent chez moi à l'heure du petit déjeuner. Cette fois, c'est Laurent Demanze qui parle de Pierre Michon, Pierre Bergounioux et Gérard Macé sur France Culture et il est brillant et passionnant. Comme d'hab' !)

7.10.08

Tuesday self portrait (ma vie d'avant)


Aurai-je encore autant changé dans 8 ans ???

6.10.08

Le lundi, c'est onigiri !


J'ai écrit 8H30 sur un papier comme si cela pouvait me permettre d'éviter de partir en retard.
Mais je ne suis pas surprise d'être, à 8H33, encore en train de nouer mes lacets.
Comme d'habitude, je manque donc le train de 8H39, dois attendre le suivant.
Si je veux une place assise dans l'Odakyu de 9H04 à Shinjuku, je dois être sur le quai à 8H59.
Heureusement, le comptoir est sur mon chemin et à peine ai-je commandé (oeufs de poisson et prune salée) que mes onigiris sont emballés.

Tous les lundis, à l'heure de midi, je me promets de partir plus tôt la semaine suivante afin d'avoir le temps d'examiner la carte et de varier les saveurs.
Mais tous les lundis, quand je cours vers la gare, je me dis à quoi bon, après tout, ce sont celles que je préfère.

5.10.08

... Et un dimanche en vrac


Je ne sais pas quoi penser de ma voisine du dessus qui passe l'aspirateur presque tous les soirs, jamais avant 23H30 et me fait regarder mon appartement comme s'il était une porcherie parce que je ne le nettoie que tous les... (et c'était ce matin).
Je m'en veux de l'imaginer forcément voisine alors que les garçons, eux aussi, ont le droit d'être maniaques.

A l'heure de l'aspirateur et du chiffon à poussière, alors que le soleil déversait généreusement ses rayons sur mon balcon, la nuit était blanche à Paris. Les voix qui se sont succédées pour lire les Microfictions de Régis Jauffret m'ont permis d'en rire avec le public, de rire de ces histoires glaçantes, grinçantes dont je ne peux surmonter l'horreur si je les lis seule.

A la sortie sud de la gare d'Otsuka, l'après-midi d'un jour férié, j'avais regretté de ne pouvoir m'éloigner pour cause de rendez-vous car, en voyant passer le garçon, un appareil moyen format suspendu au cou, j'avais eu envie de le suivre : voir les photos qu'il allait prendre aurait pu inspirer les miennes.
En fait, je l'avais vu aller jusqu'à la voie du tram, photographier l'immeuble qui figure dans tous mes albums... Et revenir sur ses pas pour retrouver un ami devant la gare.
Quelqu'un que la même idée aurait traversé, en me voyant sortir de chez moi ce matin avec mes 4 appareils photo, aurait eu le même genre de surprise : un tel attirail ne m'a pas permis d'avancer en ligne droite et, avant d'aller plus loin que sur le parking du bout de ma rue, à 50 mètres de chez moi, j'avais épuisé mes munitions en matière de pellicules et je n'ai plus eu qu'à rentrer.

Ici, à la question : "qu'est-ce que vous n'aimez pas ?", il se trouve invariablement quelqu'un pour répondre : "les insectes". Je suis, tout aussi invariablement, la seule à dire : "le chocolat".
Si j'aimais le chocolat, j'aimerais peut-être aussi les gâteaux à la crème.
Mais j'ai trouvé un autre rituel qui me fait tout sauf mal au coeur et me console de la mélancolie qui imprègne l'heure du goûter dominical.
"J'ai toujours haï les dimanches ici. Gâteau sans goût, crème fouettée sans goût, cadeaux sans goût, formules toutes faites sans goût. L'enfer de la convention. Mais maintenant, les après-midi avec vous... Je pourrais m'y habituer."
Pascal Mercier. Train de nuit pour Lisbonne.

4.10.08

Les archives d'un samedi (moins) ordinaire


Les clameurs des terrains de sport montaient jusqu'à moi et, à intervalles réguliers, je voyais passer leurs corps jeunes et athlétiques. Leurs foulées rapides en même temps que nonchalantes m'ont donné l'envie fugitive de devenir, comme eux, musclée sans y penser et sans effort apparent...

Malgré tout, c'était quand même celui qui, indifférent au monde, était plongé dans son livre que j'ai envié le plus, en constatant que lui restait sur son banc au soleil alors que je devais quitter le mien.

J'ai aimé la voix de Christian Boltanski et ses mots pour raconter ses "archives du coeur". A Paris, il enregistre vos battements de coeur (jusqu'à demain à la maison rouge) et viendra les archiver sur l'île d'Ejima.

J'ai souri d'entendre "Yves St Laurent" associé au mot "poisson". Parfois, on est content de soi, n'est-ce pas ? Je l'ai été, en m'apercevant à temps que le fugu, ce poisson-poison, pouvait être le mot-clé, l'explication parfaite.

Parfois aussi, on lit dans les pages, des choses qu'on aurait pu écrire (en moins bien). Dans les mots de Gertrude Stein, j'ai reconnu mon rapport à la langue. Mon rapport au français.

"Au début de mes relations avec Gertrude Stein à Paris, je m'étonnais de ne jamais voir de livre français sur sa table, bien qu'il y eût toujours une masse d'ouvrages anglais; il n'y avait même pas de journaux français. "Ne lisez-vous jamais de français ?" lui demandais-je, et lui demandaient beaucoup d'autres. "Non, répondait-elle, vous voyez, je vis par les yeux, peu importe la langue que j'entends, je n'entends pas une langue, j'entends des timbres de voix et des rythmes. Au contraire mes yeux me font voir des mots, et des phrases, et il n'existe pour moi qu'une langue, l'anglais. Une des choses qui m'ont plu durant toutes ces années fut d'être entourée de gens qui ne parlaient pas anglais. Cela m'a laissée plus intensément seule avec mes yeux et mon anglais. Je ne sais si autrement j'aurais pu réussir à rester entièrement absorbée par l'anglais. La plupart des gens qui m'entouraient étaient incapables de lire un mot de ce que j'écrivais, et ils ne se doutaient même pas que j'écrivais. Non, j'aime vivre ainsi avec une masse de gens et demeurer toute seule avec l'anglais et avec moi-même."
Un des chapitres de The Making of Americans commence ainsi :
"J'écris pour moi-même et pour des inconnus..."

Gertrude Stein. Autobiographie d'Alice Toklas.

Et dans le train du retour, ce n'était pas sa voix qu'il y avait dans mon téléphone. Mais les mots qu'il m'écrit et qui me restent.