31.10.09

La forme propre

"Le verbe isoler signifiait "rendre comme une île", insulariser : on isole une personne ou une chose d'une autre pour l'en séparer, l'en dissimuler ou la mettre en valeur. S'isoler exprime ainsi le désir de se mettre à l'écart (ainsi l'emploie Mme de Sévigné) ou se plonger dans quelque chose (la pratique d'un art, la méditation, la tristesse...), voire acquérir son autonomie ou sa forme propre."
Jacques Pezeu-Massabuau. Les demeures de la solitude.

Combien de milliers sommes-nous à écrire dans un blog qu'on aime le thé, la lecture, le ciel bleu et la musique de Bach ?!
Tout de même, il y a des jours où je m'étonne d'avoir encore des lecteurs !

30.10.09

La vacuité

J'ai destiné un carnet à une to-do-liste.

Comment ai-je pu croire, ne serait-ce qu'un instant que je serai un jour à ce point débordée pour lui trouver une nécessité ?

Il suffit de les avoir sous les yeux pour savoir que je dois remplir les papiers qui me permettront de renouveler mon visa.
Je ne sais que trop bien que mon vélo attend que j'aille le chercher à la fourrière.

J'ai trois pages à lui retirer pour que mon carnet retrouve sa virginité.
Je n'ai pas la tête assez emplie pour que quoi que ce soit s'en échappe.

Il m'arrive de le déplorer.

(il n'y a pas que le jeudi que Madame Gâ m'écrit...)

29.10.09

C'est jeudi !


Pas besoin de prendre de notes quand il s'agit d'écrire à Madame Gâ. Ma page ne reste pas blanche longtemps et vous pouvez lire nos courriers dans la boîte aux lettres de Nos Jeudis.

28.10.09

Ma vie en manga





"C'est ça... Quand on veut échapper au tumulte de la ville, on peut venir ici... Le plat du jour, c'est le ciel bleu".
Jirô Taniguchi-Masayuki Kusumi. Le gourmet solitaire.

27.10.09

Tuesday self portrait (couper court)


Avant la fin de certaines journées, j'aimerais pouvoir intimer (mais à qui ?) le même ordre qu'à ma coiffeuse : "coupez, s'il vous plait".

26.10.09

8 mois sans lune


"Sur l'image, je reconnaissais son corps, sa façon de se tenir, sachant qu'il posait pour moi. Nos étreintes me manquaient. Je craignais que le temps ne nous recouvre. Il avait marqué ma ville et mon quartier. Je lui écrivais la nuit afin de le ramener à moi dans le silence. Je portais une mémoire de nos gestes, me déplaçant dans mon appartement comme si je devais tenir compte de sa présence. Mon écriture était si lente que je décidais d'un nouveau voyage. Il me semblait devoir vivre avant d'écrire."
Nina Bouraoui. Appelez-moi par mon prénom.

25.10.09

Range ta chambre ! (février 2008)

Dans mes tiroirs, il y a le souvenir cher d'une traversée de Paris.
Le souvenir, aussi, d'une lecture de cette année-là.

"Chez moi, j'ai un atlas -tu vois que j'ai quand même un livre-, et il m'arrive de l'ouvrir au hasard, et de mettre mon doigt n'importe où sur une carte, et je me dis, c'est incroyable, cet endroit-là existe vraiment, aussi vraiment qu'ici existe, et même un peu plus, si ça se trouve, ça ne serait pas difficile... Et il y a là-bas, en ce moment même, des tas de gens qui existent aussi vraiment que moi, et que je ne connaîtrai jamais... Est-ce qu'ils me ressemblent un peu, ou pas du tout ? Est-ce qu'il y a là-bas une fille qui a comme moi envie de partir, de changer, de connaître le monde ? De connaître même ici, si ça se trouve ?"
Olivier Rolin. La langue.

24.10.09

Caïn

Après que j'ai tout mangé, il reste toujours quelques brisures dans l'assiette.
Et, souvent, un oeil.

23.10.09

Quoi d'neuf ?


Trois ans que j'emprunte cette ruelle, que je passe devant cette façade.
Première fois que je remarque la porte, à l'étage.
La possibilité de telles découvertes suffit à me réjouir.

22.10.09

C'est jeudi !


On devrait bâillonner ceux de la bouche de qui sortent des crapauds.
Bien sûr, ce n'est pas le cas de Madame Gâ qui m'écrit et à qui j'écris toutes les semaines dans la boîte aux lettres de Nos Jeudis.

21.10.09

La peinture à l'eau

Mais qu'est-ce que j'ai à leur envier, à la fin ?
Le temps qu'ils passent dans les parcs est équivalent au mien.
Le cadre que leur papier impose au paysage est semblable à celui de mon appareil photo.
Le matériel qu'ils transportent n'alourdit pas moins leur sac que mes carnets et toute ma panoplie le mien.
Les sketchbooks à spirales qu'ils noient de couleurs, je les emplis, moi, de mes instantanés non moins colorés.
A bien y réfléchir, non, je n'ai pas à jalouser la palette des aquarellistes.

20.10.09

Tuesday self portrait (Barbie girl)


Les poupées Barbie de mon enfance avaient les cheveux rétractables. Elles passaient du long au court grâce à une clef qu'on tournait, dans leur dos.
Sur la plage, peu esthétique. Mais, le reste du temps, si pratique.

19.10.09

La contrainte

L'espace d'un week end que j'avais passé à Kobe, j'ai cru que la mémoire de mon appareil numérique ne contiendrait jamais plus qu'une photo à la fois. C'est peut-être parce que, pendant le voyage, j'avais écouté une émission de radio consacrée à Georges Perec que ne pouvoir choisir qu'une photo par jour m'a paru une contrainte passionnante.
Et puis, en fait, à mon retour chez moi, tout est rentré dans l'ordre.
Maintenant et depuis quelques mois, toutes mes photos sont ainsi tachées.

Photographier le ciel immaculé du moment est quasi impossible et tous mes cadrages sont rendus compliqués...
Mais c'est une contrainte qui m'enthousiasme nettement moins.
Il faudrait peut-être que je relise Perec...

18.10.09

La routine, en somme


Les bâches dépliées. Le parfum du soleil sur la peau, celui de l'herbe aussi. Les bulles de savon dans le vent. Les onigiris mangés tranquillement. Les tortillas aussi. Et les flûtes pour le vin qui pétille. La voix aigue des enfants. Et le sommeil parmi les fourmis.

Et, dans les pages, c'est Queneau qui décrit un autre genre humain, affectionnant, décidément, les transports en commun.

"Chantant sa petite chanson habituelle, tututte, le train entre en gare avec beaucoup d'entrain. Les journaux se plient et leurs possesseurs se précipitent avec courage dans une effroyable mêlée; chacun essaye de conquérir sa place habituelle.
L'être de moindre réalité regarde le paysage. Il suppute le nombre de fois qu'il a pu voir cette usine et s'étonne de ne pas avoir remarqué la baraque en planches FRITES un peu plus loin. Tout à coup, il conçoit un projet vraiment extraordinaire : un jour, il ira manger des frites dans cette baraque. S'inquiète un instant de savoir si FRITES n'est pas un nom de personne : Meussieu Frites. Cette idée le fait sourire."
Raymond Queneau. Le chiendent.

17.10.09

Range ta chambre ! (Décembre 2005)

Avant l'été 2005, avant d'emménager au Japon, je ne possédais pas d'appareil photo numérique, je n'écrivais pas de blog.
Mais ça faisait déjà 20 ans que je consignais mes jours. C'est donc grâce à mon journal brut que je sais que le jeudi 3 février, j'ai acheté un nouveau robot et que, pour l'étrenner, j'ai cuisiné -et réussi- une brioche. Le soir, sans que ça ait le moindre rapport, j'ai regardé un film de Ridley Scott.

Quant à l'après-midi du jeudi 29 décembre, je l'ai passé à Asakusa et sur les bords de la Sumida.

16.10.09

Le mauvais sort


Ça s'est passé à 16H15, précisément.
J'étais assise sur une table, les jambes croisées et, par inadvertance, j'ai regardé mes pieds.
Le gauche a retenu mon attention : il m'a semblé que le cuir de ma chaussure avait changé d'aspect, s'était parcheminé.
A l'examen, l'exemplaire de droite présentait la même particularité.
Dix minutes plus tard, la partie avant de mes deux chaussures s'est désolidarisée, exactement en même temps, de la semelle.

Alors, je me suis hâtée de rentrer chez moi, de crainte de dépasser l'heure où le sortilège, dont ils étaient manifestement victimes, changerait mes souliers en ce qu'ils étaient avant.

15.10.09

C'est jeudi !


Il arrive à Madame Gâ d'avoir la mémoire qui flanche, de ne pas se souvenir très bien. Alors, dans la boîte aux lettres de Nos Jeudis, je lui glisse un post-it ou une photo en guise d'aide-mémoire.

14.10.09

Placebo

Nous marchions tous.
Fallait-il nous compter par centaines, par milliers ?
Nous traversions la gare, vers la sortie est, d'un pas mesuré, sans précipitation, sans hésitation non plus, sans heurts. Tous, nous avions une raison de nous diriger dans cette direction. Combien de vies, combien de raisons ? J'étais dans cette foule et ma présence avait, comme les autres, une justification. Ma vie parmi les autres.

C'était ça que j'avais ressenti il y a quatre ans, en allant au café au bout de la nuit passée à pleurer la mort de Joël apprise la veille. Aux tables voisines de ce petit matin, des gens riaient, parlaient, lisaient... Des gens vivaient.
Les autres ont mille raisons d'être heureux alors même que nous retenons nos larmes.
Et parfois, c'est à notre tour de rire alors que, si proches, ils renoncent à un amour, tentent de se remettre d'une humiliation, s'inquiètent pour un parent malade, se demandent comment ils parviendront au bout de cette journée qui commence.
Il n'y a qu'ici que la foule me rassure et me console, relativise. L'heure de pointe est un remède, parfois.

13.10.09

Tuesday self portrait (l'emploi du temps)


L'emploi de mes jours est fixe et totalement prévisible.
Deux fois par semaine, j'atteins le troisième étage à 11H07.
Les autres jours, je suis dans le bleu du huitième à 10H32.

12.10.09

Ma période bleue

Il faudra bientôt porter des manches longues à plein temps, enfiler des mitaines à la tombée du jour, ne pas oublier de glisser un paquet de mouchoirs dans son sac.
Les distributeurs vendront des canettes de thé chaud et la terrasse au 8ème étage du Tobu fermera jusqu'au printemps.

Mais après tout, qu'importe : c'est l'ouverture de la saison du bleu.
Ce bleu qui rend l'humeur belle.
A Ikebukuro encore plus que partout ailleurs.

11.10.09

Spécialiste es-ordinaire

De l'itinéraire de mon heure de marche quotidienne, je maîtrise tous les détails. Au point que j'ai pensé récemment qu'il serait bon d'en changer. Avant de m'apercevoir que la nouvelle saison, la fraîcheur sur mes bras encore nus, la lune qui s'attarde dans le ciel de plus en plus bleu... se chargent de renouveler mon regard ainsi que mes perceptions.

Chaque jour, une minuscule et inédite anecdote se glisse dans mon champ de vision.
Un chouchou fleuri tombé de cheveux trop lisses.
Un chat noir dormant sur un mur au soleil, changé en ombre chinoise.
Un préservatif rose accroché à la grille d'égout du temple.

Je ne serai jamais de ceux qui survolent le grand canyon, ont des lions en liberté dans l'objectif de leur appareil photo, découvrent les fonds marins colorés d'une île sous le vent.

Mes paysages intimes sont, décidément, toujours situés à proximité de chez moi.
Et mes plus belles photos prises dans des parkings souterrains.

10.10.09

L'atelier

Des papiers et des photos venus de la rue, venus de partout ou de nulle part.
Des rouleaux de scotch colorés.
Des lettres à encrer.

Mais aussi une théière à portée de main.
Un disque selon l'inspiration.
Des amis à qui penser.

Puis, écrire l'adresse sur une enveloppe.
Et ne pas oublier de la glisser dans la boîte rouge, devant la gare.

9.10.09

Le jour d'après


Le lendemain d'un typhon est un matin clair.
Le gris plombé cède la place au bleu, celui-là même que trois jours de pluie nous ont fait chérir davantage encore, nous ont fait croire perdu.
La ville semble lavée, plus nette, comme neuve, comme offerte. Disponible.
Et le ciel parait immense.
Et pas seulement le ciel : le regard des chats, aussi.

8.10.09

C'est jeudi !


On pourrait croire que c'est bientôt l'hiver mais, quand bien même, qu'est-ce qui nous empêcherait de considérer notre vie comme un bol de fraises, quelle que soit la saison ?
De fraises, il en est question, dans la lettre que j'écris à Madame Gâ et que vous pouvez lire, vous aussi, dans la boîte aux lettres de Nos Jeudis.

7.10.09

Range ta chambre ! (Février 2007)


Il n'y a pas que des photos dans mes tiroirs.
Des disques aussi.
En haut à gauche, cliquez sur la bande passante pour une compil' exclusivement japonaise (seul Français de la bande : Anne-James Chaton s'est chargé du bulletin météo de la plage 25).
Musiques et sons pour un ménage de printemps ou d'une autre saison...

6.10.09

Tuesday self portrait (casanière)


"C'est le signe qu'une ville vous aime si elle vous adresse continuellement des clins d'oeil."
Emmanuel Guibert. Le pavé de Paris

5.10.09

En...

(de retour de la poste)

4.10.09

Le brunch du dimanche

Pas davantage que moi, pas davantage dimanche qu'un autre jour, les corbeaux ne maîtrisent le concept de grasse matinée.

Ce matin, l'heure de leur petit déjeuner dans les poubelles d'en face était aussi l'heure de mon réveil.

Je continue d'être dans les ruelles dès 6 heures.

J'y vois le ciel se débarrasser des derniers nuages de la nuit. J'y croise un parfum de café, de soupe miso et la même dame masquée qu'en semaine. J'y entends quelques bribes de dessins animés.

A mon retour, déposant une barquette de natto à côté de mon bol de tofu et de l'assiette de pamplemousse, j'ai pensé que 7H30 était une heure tout à fait indiquée pour un brunch.

"So what ?" chantait la trompette de Miles.

3.10.09

Range ta chambre ! (Janvier 2007)


C'est donc de janvier 2007 que datent les premières photos de ce qui est devenu mon endroit préféré au Japon.
Saturé de monoxyde de carbone, ce carrefour est certes dangereux pour ma santé mais, toujours, j'y reviens.

1.10.09

La ville sans elle

Le dernier jour, on a regardé la nuit tomber derrière la vitre du Café Ordinaire. Et comme il pleuvait, on ne voyait pas les yeux des passants mais seulement leurs pieds.
Elle a ouvert son carnet d'aquarelles pour que je puisse me servir. Sa première est restée ma préférée. Nous étions déjà dans un café quand je m'en étais émerveillée. Arrivée depuis deux jours, elle avait fait de Shin Okubo son quartier et avait saisi la ville dans toute sa géométrie.
Mais son regard n'est pas seulement professionnel, analytique et, jusqu'au bout, elle est restée curieuse, disponible, ouverte.
Se donner rendez-vous a été une habitude tellement facile à prendre qu'il parait absurde de devoir y renoncer.
Pourtant, il faut bien m'y résoudre : hier, elle était dans l'avion et, aujourd'hui, elle est à nouveau loin d'ici.

Laurie est partie mais je vais vivre la ville enrichie des moments que nous y avons vécus ensemble.
Je pensais à elle, dans l'avion, rassemblant et triant ses souvenirs, tout ce qu'elle va conserver de six semaines passées ici. Tant de choses, sans doute.
Car Tokyo est une ville portative.

C'est jeudi !


Le jeudi est jour de train et de lecture.
Mais, avant de glisser dans mon sac pique-nique, carnets et livres, je vais toujours lire le courrier que m'adresse Madame Gâ en échange du mien, dans la boîte aux lettres de Nos Jeudis.