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6.9.09

Ma rentrée littéraire (7 : Un soir... de André Dhôtel )

"Sur le sable de la petite crique la mer s'était mise à bruire avec une confiance infinie."

"Il n'y avait pas une clientèle immense mais l'auberge était beaucoup plus fréquentée qu'on aurait pu croire.
Les anciens savaient que c'était mieux de planter un débit de boissons dans la solitude qu'au milieu d'un village à côté de l'épicerie. Les ménagères n'avaient pas l'occasion de contrôler ni donc de contrarier les entrées de leurs hommes au café. Et puis, sur ce bout de route, c'était comme un relais. Beaucoup de passants, à pied ou en voiture, ne pouvaient se garder de songer à un arrêt, même si leurs courses étaient d'une brièveté remarquable. Le fait de s'arrêter en chemin pour vider un verre donne l'inébranlable conviction d'être en voyage."


La France est rurale dans les nouvelles d'André Dhôtel.
Les attractions entre les êtres tiennent à un regard, un geste à peine esquissé mais sont irrésistibles et, parfois, fatales. Définitives dans tous les cas.
L'ordinaire ne l'est jamais complètement et, de cela je suis bien persuadée : il suffit de se rendre disponible et sensible à l'infiniment banal pour que quelque chose d'inattendu -même ténu- surgisse.

"Elle oublia l'infime événement, bien qu'elle ne cessât de veiller pendant une longue semaine à ces choses qui passent autour de nous d'une manière si furtive qu'on croit à peine qu'elles ont existé, le cri d'un enfant au lointain de la rue, un oiseau qui se pose, le geste d'un passant, un papier qui vole ou une lumière du ciel."

5.9.09

Ma rentrée littéraire (6 : Un nid pour quoi faire de Olivier Cadiot )

"Mais au fond, ce que j'aimerais faire, c'est de la poésie."

"Ce qui est terrible, c'est que si j'ai une idée elle est adoptée et appliquée immédiatement et à la lettre, ils sont plus royalistes que Moi, si je dis un jour Nous voulons du confit de canard quatre fois par jour, avec du beurre fondu, bon, eh bien c'est pour l'éternité, tout ce que je dis c'est pour l'éternité, si vous changez d'avis on vous dit en substance, sous les salamalecs : Majesté finissez votre confit, sinon vous l'aurez au petit déjeuner."

Il y a un nid, en effet. Auquel on trouvera, avant la fin du roman, un usage.
Il y a un royaume en déroute aussi.
Olivier Cadiot appartient, pour moi, au clan des écrivains précieux qui, à mi-chemin entre poésie et autres formes littéraires, associent esprit et sens de l'humour.
J'y inclus Emmanuelle Pireyre et Emmanuel Hocquard.

"J'ai des choses éparses, dans tous les coins, il faudrait qu'on rassemble tout ça, je suis sûr que ça fait un ensemble cohérent, j'ai de la bouillie dans la tête mais des sensations persistantes, je m'accroche.

Neige
toutes les formes de neige

Roi
toutes les formes de Roi
pourquoi, comment, etc.

Un nid"

4.9.09

Ma rentrée littéraire (5 : Les oeuvres complètes de Georges Hyvernaud)

"L'important n'est pas qu'il arrive quelque chose à quelqu'un, mais que quelqu'un fasse quelque chose de ce qui lui arrive."


"Mais il y a les soirs. La chambre où l'on se retrouve. Pas drôle de se retrouver. De revenir à soi comme à une chambre toujours la même. Les mêmes impuissances, les mêmes dégoûts, la même poussière toujours et la même moisissure. Dans la journée, passe encore. On parle, on s'embête, on fait son métier. Mais le soir on a sa vie devant soi et on est bien forcé d'y regarder.
C'est des choses comme ça qu'il écrit, les soirs dans sa chambre. Des choses qu'il écrit pour se délivrer par les mots des hantises qu'il reçoit du monde. Qu'il écrit gauchement et obstinément, pour tenter, par la poésie, de se créer. Car il ne se satisfait pas de lui-même. Onze heures, minuit, le moment de la grande sincérité, le moment de la fatigue et du retombement, du doute."

La peau et les os.

"Qu'on les colle seulement à un portillon de métro, les duchesses de Marcel Proust ou de Balzac, qu'on les mette à faire des trous dans des bouts de carton toute la journée pendant huit heures, et tous les jours, du lundi au samedi, et on verra bien ce qui en restera de leurs drames distingués. On n'aura plus à décrire que de la fatigue et des varices, des notes de gaz et des démarches à la mairie. Pas très romanesque tout ça. La vie manque de romanesque quand on est obligé de la gagner."
Le wagon à vaches.

Les oeuvres complètes de Georges Hyvernaud sont brèves.
De retour de captivité, il constate que ceux qui l'ont pensé planqué n'ont cessé, pendant ces années, de manger le ragoût dont lui a eu le temps d'oublier le goût...
Puis, boudé par la critique, il ne parvient pas à imposer ses textes et cesse d'écrire.
Quelle raison aurait-il eu de déborder de joie ?
Les oeuvres complètes de Georges Hyvernaud sont brèves.
Mais essentielles.

"C'est ainsi que je voyais ma vie. J'avais beau l'examiner, la retourner, la secouer, pas un détail qui valût d'être conté, rien de surprenant, rien de drôle, rien de tragique, rien du tout.
Comme dans la plupart des vies. Tout le monde ne peut pas se payer une existence originale. La vie est chère, comme nous nous le répétons les uns aux autres. Hors de prix. C'en est venu au point que bien des gens y renoncent parce qu'ils n'en ont pas pour leur argent, ou parce que la vie constitue une dépense au-dessus de leurs moyens.
Moi, au moins, je peux encore m'offrir ça. Mais pas le modèle de luxe, naturellement. Non, je dois me contenter du type courant. Standard comme on dit. Une vie fabriquée en série, comme les aspirateurs, les appartements, les pardessus, les autos."

Lettre anonyme, nouvelles et autres inédits.

3.9.09

C'est jeudi ! (Ma rentrée littéraire 4 : Le rideau de Milan Kundera)

"La poétique de Flaubert ne déconsidère pas celle de Balzac de même que la découverte du Pôle Nord ne rend pas caduque celle de l'Amérique"

"En 1920, monsieur Engelbert était encore étonné par le bruit des "monstres à explosion"; les générations suivantes l'ont trouvé naturel. Après l'avoir horrifié, rendu malade, le bruit, peu à peu, a remodelé l'homme, par son omniprésence et sa permanence, il a fini par lui inculquer le besoin de bruit et avec cela un tout autre rapport à la nature, au repos, à la joie, à la beauté, à la musique (qui, devenue un fond sonore ininterrompu a perdu son caractère d'art) et même à la parole (qui n'occupe plus, comme jadis la place privilégiée dans ce monde des sons)".

Dans Le rideau, Milan Kundera, n'évoque pas seulement le bruit.
Comme dans la lettre que je poste ICI à Madame Gâ, je ne fais pas allusion exclusivement aux tartes de Mamy.

2.9.09

Ma rentrée littéraire (3 : Ecrire de Jean Guenot )

"Autrement, vous prendriez l'habitude de ne trouver l'inspiration que lorsque vous êtes au loin de la feuille blanche, sous la douche, au volant, en train de préparer un soufflé au fromage."

ça nous avait occupés quelques soirées à piquer des fous-rires à la lecture du livre d'Edouard Pomiane : La cuisine en 10 minutes.
Ce que j'en ai retenu c'est que, pour cuisiner rapidement un repas complet, l'auteur conseillait d'ouvrir une boîte de conserve pendant que l'eau du café chauffe...
Le livre de Jean Guenot est, lui aussi, plein de bon sens et de conseils pratiques...

"Dans l'idéal, le meilleur second métier est celui de rentier : il donne l'indépendance dont tous les écrivains rêvent, depuis Flaubert. On remarquera qu'il est plus facile d'être rentier que d'être Flaubert.
Médecin de cure, ça laisse quelques loisirs, 5 mois sur 12, l'air est pur, on a de la tranquillité, de la matière humaine à observer.
Cover-girl, mannequin, modèle ou prostituée, ça laisse l'esprit libre. A condition, comme en tout, de savoir limiter ses gains pour utiliser ses loisirs à écrire, on peut bâtir une oeuvre dans des métiers pareils. Une prostituée qui ferait trois clients deux jours par semaine gagnerait autant qu'un professeur. Les préparations en moins, pas de notes à reporter, pas de publications professionnelles à lire pour se tenir au courant; et du temps libre.
Quiconque écrit a une chance infime de pouvoir vivre matériellement de l'exercice de son plaisir. Autant faire un second métier qui garde des amertumes, qu'on exerce sans haine et qui offre la plus indispensable des garanties pour écrire : l'indépendance."

Jean Guenot. Ecrire.

1.9.09

Tuesday self portrait (Ma rentrée littéraire 2 : Correspondance de Mishima et Kawabata)

"J'ai longtemps pensé que pour réfléchir à l'essentiel, il fallait prendre le temps de vivre, car à travers cela s'élaborait la littérature."

"J'ai été surpris de voir à quel point les Américains que je rencontrais étaient sympathiques, mais ce n'est pas tout à fait la même chose d'être sympathique et d'avoir de la personnalité, et pour ce qui est de celle-ci, personne ne peut rivaliser avec les étrangers qui résident longtemps dans notre pays. Bref, le Japon donne de la "saveur" aux gens."
Mishima. Lettre à Kawabata. 13 février 1952

31.8.09

Ma rentrée littéraire (1 : Paris au mois d'août de René Fallet )

"A propos, Simone, demain matin, au petit déjeuner, je prendrai du thé"

Mes lectures de l'été n'ont rien à voir avec l'actualité.
Au contraire : elles ont, parfois, le charme irrésistible du désuet, le parfum de la France des années 60 et de la cuisine au saindoux.
Dans Paris au mois d'août, il fait chaud dans les rues de la capitale. Simone, partie en vacances pendant un mois avec les enfants, a conseillé à Henri de se cuisiner des steaks plutôt que de manger des conserves tous les jours.

"Chaque vendeur de la Samar a ainsi en lui un recoin où s'épanouissent un pétunia en pot, ou un poisson rouge, ou l'étonnement d'un enfant, ou une pointe de sein, ou une lumière d'ancien tango, ou un pigeon blanc. Les vendeurs de la Samar, et les autres. Pas même besoin, pour cela, au juste, d'être vendeur. Et cette sauce intime fait passer les gouvernements, les patrons, les polices, les interdit de marcher sur la pelouse et les ennuis d'argent.
Plantin -qui ressemblait en outre à Aznavour- conservait dans la vie courante un sourire professionnel qui n'était pas dénué de tout charme, ajouté à une certaine prestance dite "d'officier" aux temps où ceux-ci étaient gardés pour la Revanche. Il avait dans la voix les musiques des Halles, des frites, de la Rambute, de la Quincampe et du Topol, du pavé natal, accent facile, coulant comme Seine sous le Pont Neuf, et qui fait du Parisien le dessus du panier des casernes."


Henri reste à Paris, travaille au rayon pêche de la Samaritaine, joue au tiercé, rencontre ses copains... Puis il croise Patricia sur le quai de la Mégisserie.
Au bout de l'été, il lui reste le souvenir de la belle Anglaise qu'il a aimée. Un souvenir pour tout le reste de la vie, n'est-ce pas cela dont on dit que c'est mieux que rien ???

"Quand le corps n'y est plus, ce n'est pas lui qui vous demeure mais un geste, une façon de tenir une cigarette du bout des doigts, un accent pour dire "il va pleuvoir", une moue, un regard aux étoiles, ou à un chien. On ne sait pas quoi demeurera; si nous le savions, ces amours perdraient leur plus belle raison de naître.
"Ce n'est pas une femme, songeait-il, c'est autre chose, c'est mieux que cela, c'est mon amour".