30.6.09

Tuesday self portrait (la nostalgie)


Jamais celle du long.
Parfois celle du bleu.

29.6.09

Ma vie des autres

Je ne sais pas pourquoi, c'est souvent la nuit que je vais payer mes factures de gaz et d'électricité au combini voisin. Il est à 20 mètres de chez moi et, le temps de ma si brève absence, je n'éteins pas la lumière.
Ainsi, à mon retour, je peux regarder mon appartement avec autant de curiosité que si ce n'était pas le mien.

C'est un peu la même chose lorsque je regarde d'où vous, visiteurs anonymes et inconnus de ces pages, vous connectez.
J'essaie de voir ce que vous découvrez ici comme si j'étais vous, comme si j'étais une autre.

28.6.09

Suggestion de présentation

Accordons-nous sur le fait que la nature du gâteau dépend des goûts de chacun et que, ne pouvant rivaliser avec des blogs de cuisine qui font ça très bien, il vaut mieux que je me dispense de vous donner une recette qui mérite d'être améliorée.

Une fois que le gâteau de votre choix, donc, est refroidi, emballez-le soigneusement afin qu'il ne risque pas de s'abîmer pendant le voyage en train et puisse faire bonne impression à l'arrivée. N'oubliez ni la nappe ni les bougies et, bien sûr, glissez dans votre panier quelques paquets plats choisis avec soin et emballés la veille.

Un brin de gel dans les cheveux. Un soupçon de rouge sur les lèvres.
Puis, rendez vous à l'entrée du jardin.

(16 ans que je les fête mais je ne me lasse pas des 28 juin)

27.6.09

Persister dans son être

C'est la lumière qui a attiré mon regard.
Non seulement celle du soleil qui l'isolait à la manière d'une chrysalide confortable mais celle aussi, moins naturelle, qui semblait s'échapper de son livre comme si le texte qu'elle était en train de lire était particulièrement lumineux...
C'est la première fois que j'ai vu un livre électronique.

"Au cours d'une seule et même expérience, des mécanismes multiples se mettent en branle. On l'a vu pour l'amour, qui participe simultanément du vivre et de l'exister, du physique et du mental, du prendre et du donner, de la reconnaissance et de la communion ; mais il en va ainsi des actes les plus ordinaires. Je lis un livre qui me plaît, bien au chaud chez moi, en écoutant de la musique : c'est le bonheur ! Plusieurs formes de reconnaissance participent déjà à ce sentiment de bien-être. Je suis satisfait de l'image que je me donne à moi-même : l'autosanction fonctionne. Si quelqu'un entre dans la pièce, il pourrait m'admirer ou m'envier : je goûte des plaisirs distingués. Je lis un auteur de qualité, je suis flatté à l'idée d'appartenir au club (restreint) de ses admirateurs. Mais ces plaisirs sociologiquement prévisibles ne sont encore que les plus superficiels. A côté d'eux, j'en éprouve un autre, plus durable : l'auteur que je lis parvient à formuler en mots ce que je ressentais mais ne savais dire, ma pensée, mon sentiment, ma sensation ; par là, il élargit mon univers mental, il lui donne plus de sens et de beauté. Je me projette dans les personnages de roman, et une vie supplémentaire s'ajoute à la mienne ; je me sens enrichi, plus fort, plus intelligent. Mais je peux aussi goûter le plaisir de la lecture intransitivement, sans passer par aucune médiation, même pas celle de mon propre jugement : me livrer à cette activité me donne alors le sentiment immédiat de m'accomplir, donc aussi d'exister. Sans parler de ce que lire relève pour moi de l'habitude et donc de la répétition : c'est aussi une façon de persister dans mon être."
Tzvetan Todorov. La vie commune.

26.6.09

La vie seule

Un livre lu dans l'herbe parmi les fourmis.

"La vie en société ne relève pas d'un choix : nous sommes toujours déjà sociaux. Comme l'ont remarqué à peu près à la même époque le Russe Bakhtine et l'Américain G.H. Mead, nous ne pouvons jamais nous voir physiquement en entier ; c'est là une incarnation parlante de notre incomplétude constitutive, du besoin que nous avons d'autrui pour établir notre conscience de soi, et donc aussi pour exister. C'est à un tout autre niveau que se situe le choix entre vie isolée et vie en groupe, choix qui ne révèle rien de fondamental dans notre attitude envers le monde, mais plutôt un penchant pour le calme et le silence ou, au contraire, une agoraphilie. La solitude comme mode de vie n'implique pas qu'on puisse se passer des autres, ni qu'on s'en désintéresse : toute solitude est précédée d'une période formatrice au cours de laquelle c'est bien le rapport à autrui qui a orienté notre soi ; or celui-ci à son tour influence la vie présente. Dans la solitude, on ne cesse pas de communiquer avec ses semblables, on choisit seulement certaines formes de communication au détriment d'autres , les rencontres espacées ou indirectes peuvent compenser en intensité ce qu'elles perdent en fréquence ou en facilité."
Tzvetan Todorov. La vie commune (Essai d'anthropologie générale).

Une incursion climatisée à midi. Pain noir et lait de soja.

Le silence de la Yamanote de la fin de l'après-midi.

Au-dehors, Tokyo.

Je ne l'oublie pas. Je ne l'oublie jamais. Jamais non plus je ne m'en lasse.

25.6.09

C'est jeudi !


Aucune des averses de la saison des pluies ne m'empêcherait de sortir poster une lettre à Madame Gâ.
Mais, le jeudi, c'est, de toute façon et par tous les temps, ICI que se poursuit notre correspondance.

24.6.09

La saison des pluies

Ceux qui répondent "oui" à la question "aimez-vous la pluie ?" pensent plus spontanément à des marches en bord de mer avec cirés, bottes, capuches et chocolat chaud à l'arrivée qu'à des trottoirs encombrés d'une foule de parapluies, à une tenue en lin inadaptée et à des documents importants mal protégés par un sac en toile.
On aime la pluie quand on a fait les courses au soleil de la veille et qu'on peut l'écouter frapper à la fenêtre sans avoir décidé à quelle heure on quittera les draps blancs et frais.

Aujourd'hui, j'aime la pluie.

23.6.09

Tuesday self portrait (J'ai rien à me mettre)

Dans le rêve, elle me dit :
-je ne sais pas comment vous faites, vous n'êtes jamais habillée de la même façon, vous paraissez toujours différente.
Et je réponds, haussant les épaules avec désinvolture :
-oh tu sais, il suffit de ressortir de temps en temps des vêtements qu'on a depuis longtemps mais qu'on ne porte pas souvent.

La conversation nocturne me revient au moment de m'habiller. Rien dans ma garde-robe ne me permet de me conformer à ce que j'ai dit pendant la nuit.
A part mon pyjama, je ne vois pas.

22.6.09

Deux minutes supplémentaires

La spécialiste à la radio a dit que c'est trop tard.
Que, maintenant, les initiatives personnelles ne peuvent plus suffire à sauver la planète.
Je persiste, néanmoins, à ne pas avoir de voiture, à vivre sans climatisation, à ne pas manger de viande, à ne pas partir en vacances en avion, à ne pas gaspiller l'eau ni accepter tous les sacs plastiques dont on voudrait emballer mes achats.
J'aime croire que, ainsi, j'offre deux minutes de vie supplémentaires à la petite fille que j'ai vue au feu rouge. Installée dans le siège à l'avant du vélo de sa mère, elle regardait le ciel en rêvant.

"Vers midi, les premières gouttes commencèrent à tomber. Noé leva les yeux. Le ciel était bleu, sans le moindre nuage. Les gouttes naissaient à une grande hauteur et tombaient verticales, car il n'y avait pas non plus le moindre souffle. Noé comprit qu'il s'agissait de la pluie sur-naturelle dont il avait été informé.
L'arche terminée se dressait sur une éminence proche. Noé se dirigea vers elle, écrasant les pastilles noires de gouttes où se reflétait le soleil. Leurs petits dômes aplatis étaient enténébrés de la poussière du sol et, se rejoignant, donnaient à la terre une teinte plus sombre ou formaient de minuscules rigoles. Il était invraisemblable que cette eau, si vite absorbée, finît par recouvrir le relief entier de la planète. Pourtant, cela devait arriver."
Roger Caillois. Noé in Récits.

21.6.09

Ma mémoire

Ma mémoire commence à Champagné.
En haut de l'escalier, à la fin de ma sieste, le visage de ma mère, celui de ma soeur. Ensemble, elles viennent me chercher.
Rien avant.

Après...
Après : l'allée du minuscule jardin qui me parait pourtant, à moi, aussi grande qu'un circuit de cyclistes professionnels.
Le méchant singe magicien, ennemi de Saturnin, qui me fait pleurer de peur à la télé.
L'évanouissement à la suite d'une chute à l'entrée du garage.
Les genoux de mon père qui me lit les albums de Petzi.
Le départ dans l'île chaude et ensoleillée et la maîtresse qui envoie des lettres, des dessins colorés et des photos des enfants de la classe.

Après : tout le reste jusqu'à maintenant.

"Je me demandais à la fin si chacun ne se fie pas à sa mémoire par légèreté ou par paresse, presque par habitude, mais fort indûment, si l'on y réfléchit.
Je m'effrayais qu'un filtre si déformant fût précisément celui par lequel tout devait nécessairement passer, depuis les rêves jusqu'aux raisonnements. Même le sentiment de la durée en était dépendant. Rien n'empêchait la mémoire de dilater un instant jusqu'à le faire paraître interminable ou à loger par fantasmagorie dans une seconde réelle des événements qui auraient demandé plusieurs jours ou plusieurs semaines pour s'accomplir. Je n'allais pas jusque-là, mais le sans-gêne de la mémoire avec les souvenirs, sa façon de les présenter, de les manipuler m'inquiétait. Au moins étais-je un peu consolé par le fait dont je venais d'avoir la preuve que l'esprit avait la ressource de déjouer les retouches de cette faculté trop accommodante et d'en contrôler par conséquent, au moins dans une certaine mesure, l'arbitraire alarmant."
Roger Caillois. Mémoire interlope in Récits.

(Frappée par la semaine qu'elle a consacrée à la mémoire, j'emprunte sa thématique ainsi que le titre de mon billet à Madame Gâ.)

20.6.09

La mémoire indolente

Tout était tellement différent. Tout était une nouveauté à laquelle j'aurais voulu ne pas m'habituer. Tous les matins, je m'éveillais en espérant être encore en train de rêver. J'attendais le vrai réveil, celui qui aurait lieu à nouveau dans l'île lointaine et ensoleillée où, grâce à un simple caprice, j'avais réussi à échapper à l'école.
En attendant le vrai réveil, donc, j'apprenais à lire grâce à Daniel, Valérie et leur chien Bobby dans des préfabriqués sans charme, dans cette ville construite depuis peu et encore en chantier.
J'avais six ans, j'avais passé deux ans de ma vie en Guadeloupe et je ne savais pas encore ce que ça voulait dire : "avoir des amis".
De même, je n'avais encore jamais eu l'occasion de manger de chausson aux pommes. J'en connaissais seulement le parfum car, tous les jours, la mère de ma voisine de classe -une petite Portugaise à la moitié du visage plissée par la cicatrice d'une brûlure au troisième degré- lui en apportait un à la sortie de l'école, à l'heure du goûter.
Je me suis rappelée de tout cela, un matin, alors que j'étais sur mon balcon et que, arrivée de je ne sais pas où, m'est parvenue une odeur de pâte feuilletée et de compote de pommes.

Je sais que plus tard, plus loin, ailleurs, comme maintenant, comme ici, il y aura des saveurs, des odeurs et tant de sons qui, sans que je les convoque, sans que je les provoque, me surprendront.

Un jour de beau temps me rappellera le bleu Ikebukuro.

Une bouchée de riz complet aura le même goût que celui des onigiris du jeudi, face à la montagne.

La radio diffusera sans me prévenir la chanson d'Odaiba.

J'ouvrirai sans y penser le livre dans lequel j'ai glissé la photo du petit chat.

Alors, instantanément, je serai à nouveau au Japon.

(Frappée par la semaine qu'elle a consacrée à la mémoire, j'emprunte sa thématique ainsi que le titre de mon billet à Madame Gâ.)

19.6.09

Là je suis... (15)

Quel souvenir laisse-t-on aux gens ?
Pas à nos amis, non, aux autres, aux gens. Ceux qu'on frôle sans les toucher, ceux dont on effleure la vie sans la pénétrer, sans la changer, ceux qu'on croise, à peine...

Ils me dévisagent, ils ne me quittent pas des yeux, bravant les règles élémentaires de la politesse qu'on ne leur a pas encore apprise ou qu'ils ne savent pas encore mettre en pratique. Ils m'oublient sur le champ, tous ces enfants qui, me voyant, découvrent un visage occidental pour la première fois de leur vie.

Elle m'accueillait, toujours souriante, toujours à la même heure des matinées de l'hiver. Je suis sûre que la serveuse du café d'Ikebukuro avait fini par savoir que je voulais un lait de soja chaud avant même que je le commande.

La vendeuse de la gare de Shinjuku pourrait, de même, préparer à l'avance les onigiris au riz complet et à la prune que je lui demande tous les jeudis.

L'homme du train s'est peut-être souvenu de moi le 19 mars dernier, en constatant que la grève contre laquelle je l'avais mis en garde un mois plus tôt avait bien lieu.

Pour elle, je n'ai été que celle qui, ce jour-là, s'est assise sur le banc du jardin des Beaux Arts où, chaque jour, elle allait parler à quelqu'un.

Quand sa femme porte les boucles d'oreille qu'il lui a offertes pour la naissance de leur deuxième fille, il pense à moi : "Quand même, la vendeuse de la bijouterie était carrément odieuse !"

Dans la vie de Pierre Bourdieu, je n'ai été qu'une fille qui l'a bousculé devant le kiosque à journaux du boulevard St Michel et qui lui a à peine demandé pardon.

"C'est pas à Paris que ça arriverait !" a-t-elle coutume de dire quand, des années après, elle parle encore du jour où, la voyant perplexe devant le plan de la ville, je lui ai demandé si elle avait besoin d'aide.

La pharmacienne s'était reprise après m'avoir dit "Bonjour madame" : "euh, pardon monsieur !". Pour finir, ne réussissant pas à trancher, elle s'était contentée de me dire "au-revoir". A-t-elle préféré oublier cette anecdote un peu honteuse ?

Elle range dans sa bibliothèque le roman dont elle vient d'achever la lecture. Sur la page de garde, il y a quelques mots écrits par sa marraine qui le lui a offert. Dans la librairie, nous étions côte à côte devant la lettre S et nous avons parlé de Salinger.

Quant à lui, il doit repenser au dernier jour de l'année 2006 quand il voit le polaroïd qu'il a pris de moi et mon Leica.
Comme toutes les autres, cette rencontre a été brève et anonyme.
Mais, si nous avions échangé nos cartes, je pense qu'il se serait attendu à ce que je sois...

18.6.09

C'est jeudi !


Alors même qu'elle habitait à Tokyo, il m'arrivait de découvrir dans ma boîte aux lettres, des enveloppes envoyées par Madame Gâ. Le courrier, on a toujours beaucoup aimé ça.
Quand je suis de passage à Jimbocho, je choisis pour elle une carte de saison dans la grande papeterie et, sans tarder, m'assieds sur un banc pour lui écrire un mot.
Et, bien sûr, tous les jeudis, c'est ICI que se poursuit notre correspondance.

17.6.09

La mémoire pratique

Je serais curieuse de savoir comment font les Japonais qui apprennent le français pour retenir des mots qui, à leurs oreilles, doivent apparaître aussi étranges que le sont les syllabes répétitives de leur langue aux nôtres.

Je persiste à demander encore parfois "et comment dit-on cela en japonais ?" tout en sachant que si je n'écris pas ce qu'on me répond, je l'aurai oublié dans la minute qui suit. Et que, si je veux m'en souvenir durablement, je dois mettre en place des stratagèmes mnémotechniques plus ou moins compliqués.

Comme il m'importe vraiment de retenir leurs prénoms, je les répète plusieurs fois à voix haute, cherchant à quoi les rattacher.
La veille, j'avais mémorisé Hayato en pensant à "hayai" qui signifie "tôt" et j'avais changé Shômi en "show me"...
Kinoshita est devenu, pour moi, un garçon parfaitement ancré dans le présent, à mi-chemin entre hier (kino) et demain (ashita).
Le visage hilare de Suguru qui m'écoutait penser à voix haute cette décomposition toute personnelle m'a fait comprendre que le sens des kanjis qui composent le prénom de Kinoshita n'a certainement rien à voir avec l'interprétation que j'en ai faite.
Mais qu'importe puisqu'elle me permet de fixer durablement ces syllabes dans ma mémoire.

Mais, d'ailleurs, comment ai-je mémorisé le prénom de Suguru lors de notre première rencontre ???
ça, je l'ai complètement oublié...

(Frappée par la semaine qu'elle a consacrée à la mémoire, j'emprunte sa thématique ainsi que le titre de mon billet à Madame Gâ.)

16.6.09

Tuesday self portrait (la mémoire chérie)


Hier, jour anniversaire (je me souviens de tout).

(Frappée par la semaine qu'elle a consacrée à la mémoire, j'emprunte sa thématique ainsi que le titre de mon billet à Madame Gâ.)

15.6.09

La mémoire dévoilée


Même si elle est moins apparente que la longueur des jambes, la forme des yeux, la nature des cheveux ou la capacité à chanter juste, la mémoire fait partie des injustices de la vie.
Car nous ne sommes pas tous égaux face à elle : en avoir un peu, pas du tout, trop, laquelle et pour combien de temps... C'est loin d'être accessoire... Il me semble, au contraire, que c'est déterminant.

Je reste perplexe quand j'entends des gens dire qu'ils n'ont aucun souvenir de ce qu'ils ont vécu avant l'âge de six ans.
Je pense que ceux qui oublient leur date de mariage doivent le faire un peu exprès.
Je trouve ça très désagréable quand c'est la troisième fois en six mois qu'on me présente à quelqu'un qui semble me voir pour la première fois.
De la même façon, je suis sidérée de savoir que certains se rappellent de leur tout premier numéro de téléphone, parviennent à mémoriser des poèmes entiers, se souviennent du programme d'histoire de leur classe de CM1 ou des dates de naissance et de mort de tous les rois de France...

Ce serait si simple si on pouvait décider de ce dont on veut se souvenir... ou pas. Ou savoir à l'avance ce qu'on retiendra... ou pas.
Mais, en la matière, je crois qu'il n'y a pas de règle, je crois qu'il n'y a que des surprises.
N'empêche, si j'étais autorisée à faire le tri, je remplacerais volontiers, dans ma salle des archives personnelle, quelques vieilleries inutiles par des paragraphes de livres aimés.
Je voudrais bien, par exemple, me souvenir de ces lignes :

"Je disais tout à l'heure que la mémoire de l'écrivain n'était sans doute pas plus riche de contenu qu'une autre -non sans doute, seulement elle est orientée, ce qu'elle retient d'instinct, c'est justement tout ce qui pourra refléter de plus ou moins loin, tout ce qui pourra prendre feu à la chaleur de ces quelques images privilégiées; c'est à cause de ce tri instinctif fait dans ses souvenirs que les correspondances s'éveillent chez lui plus facilement à l'appel d'une image; la mémoire, en effet, à a retenu surtout ce que ces images élues étaient capables de vivifier, d'électriser, tout ce qui était en somme matériaux bons conducteurs. J'aimerais bien d'ailleurs citer ici un mot d'Alain qui dit tout cela parfaitement. "L'idée faible -voici ce qu'il écrit- c'est celle sur laquelle j'ai vécu, sur laquelle nous vivons tous, savoir que l'imagination est un résidu de souvenirs. Au fond, l'imagination est un effet des sentiments. Dominer toutes ses pensées par un sentiment représenté, c'est imaginer et non pas se souvenir. En effet, chacun a pu remarquer que des images très simples sont réelles et présentes comme par privilège, c'est qu'on les connaît, c'est qu'elles reviennent. La force d'imagination consiste en ce qu'on donne à un souvenir très simple une force de maladie."
Julien Gracq. Les Yeux bien ouverts in Préférences.

... Plutôt que de me rappeler de la date d'anniversaire de deux ou trois garçons que j'ai embrassés à la fin des années 80...


(Frappée par la semaine qu'elle a consacrée à la mémoire, j'emprunte sa thématique ainsi que le titre de mon billet à Madame Gâ.)

14.6.09

Les faits marquants de la semaine

Il ne serait pas raisonnable de répondre "aucun" à sa question "quels sont les faits marquants de ta journée ? D'aujourd'hui ? D'hier ?"
Et, pourtant, il y a cette impression persistante de ne pas pouvoir être marquée par ces derniers jours. Cette sensation de les vivre sans être là.
Je marche le matin mais peine, le soir, à me souvenir si, oui ou non, je l'ai effectivement fait. Comme si j'avais traversé les rues ainsi que les petites heures du jour en somnambule amnésique...
Je ne m'aperçois que je prends une douche qu'au moment où je suis déjà sous l'eau...

Les faits marquants de la semaine ont des allures de conversations.
En terrasse à Shimokitazawa, sur la pelouse du Shinjukugyoen ou par écran interposé, aux heures proches du sommeil -avant ou après.
Ces conversations qui me rendent impatiente du jour prochain auquel je veux croire et qui nous verra réunis, tous, à la même heure, à la même table de la même terrasse, sur les pavés de la même ville.

A peine moins marquant est le début de la saison des shirasu, les minuscules poissons blancs aux yeux bleus qui rendent encore plus jolies mes salades multicolores.

13.6.09

Portrait d'un portraitiste


Il n'y a qu'une explication possible à une si grande densité d'appareils photo sur la pelouse du Shinjukugyoen : Monsieur Be est à Tokyo !
L'occasion de parler de littérature, de caddies, de cannibales ou de l'efficacité prouvée des produits luttant contre l'acnée. Mais aussi de se poser des questions auxquelles seul l'avenir pourra répondre : le cosmonaute Youri reviendra-t-il un jour sur terre ? Faut-il se laisser faire ou, au contraire, lutter contre les prophéties ? Est-il raisonnable de décider de sa vie à pile ou face?
En attendant, on peut lire le journal de voyage de Monsieur Be ou feuilleter son album d'images tendres, drôles et improbables.

12.6.09

Là je suis... (14)

On ne choisit pas par hasard les lieux de rendez-vous à Tokyo.
Se retrouver à Ueno pour le petit déjeuner, c'est savoir qu'on devancera l'heure d'ouverture de la cafet' aux lampions à la terrasse de laquelle on s'installe.
Et que, attablés pour de longues heures et renouvelant régulièrement notre thé glacé ou nos canettes de café aux distributeurs voisins, on peut regarder passer les nuages autant que les petits chiens et leurs maîtres, on peut tranquillement attendre la floraison des lotus, on peut se réfugier sous un parasol quand le soleil devient trop chaud.
La gérante a les cheveux décolorés et elle nous reconnaît. Avant d'être enfermée pour la journée derrière le comptoir où elle distribue en souriant les assiettes d'oden, les bols de ramen ou les cornets de soft ice au caramel, elle passe un coup de balai entre les tables et nous demande de l'en excuser.
Ce jour-là, rien n'a troublé nos habitudes : sans interrompre notre conversation, nous lui avons souri en nous inclinant autant qu'elle afin de lui signifier que, bien sûr, elle était chez elle et ne nous dérangeait pas.
Je n'avais pas encore remballé le reste du gâteau avec lequel il allait repartir et j'ai vu le regard curieux qu'elle posait dessus.
J'ai énuméré les ingrédients, lui ai demandé si elle voulait goûter.
Elle a partagé la tranche offerte avec son employé à qui elle a répété exactement la liste des composants.
Ils m'ont complimentée avec tellement d'enthousiasme et de conviction que, l'espace d'un instant, j'ai pu croire que là j'étais :

11.6.09

C'est jeudi !


...Et c'est dans la boîte aux lettres de nos jeudis que je raconte à Madame Gâ la seule fois de ma vie que j'ai chanté du Michel Sardou...

10.6.09

Les rendez-vous d'Hiroo

A notre prochaine rencontre, je sais qu'elle relatera de mon île natale des découvertes autrement plus étonnantes que les plages de sable fin pour lesquelles elle est banalement célèbre.
Car le récit de ses voyages me transporte toujours dans des paysages qui n'ont rien de commun avec les clichés des guides touristiques. Et de ses rencontres de passage, elle se garde d'élaborer des généralités tronquées.

Hier soir à Shinjuku, j'ai pensé à elle en voyant les poches empilés là où les livres sont en français : lors de notre dernier rendez-vous, ce n'est pas un voyage qu'elle m'avait raconté mais sa lecture enthousiaste de ces pages.
A la sortie de la librairie, le ciel était pastel, rien ne me pressait et je me suis assise en terrasse. La foule défilait en flots constants et les conversations formaient un bruit de fond compact. Dans l'agitation du soir, j'étais pourtant au calme, dans le Japon de l'année de ma naissance, souriant des impatiences de Nicolas Bouvier, ravie de ce si bon conseil de lecture.

"Le voyageur qui approche un pays étranger doit obéir à certains impératifs mentaux. Tout d'abord, il lui faut systématiquement chercher les qualités ou, comme dirait dame Sei Shonagon, la "chose agréable", et s'y accrocher comme une tique. Quant aux défauts, on les trouve, pas besoin de les chercher. La vie est courte aussi et ce n'est pas la peine d'en consacrer la moitié à des irritations superflues. Ensuite, comme dit Michaux : "Tout ce qui ne contribue pas à mon édification : zéro." En troisième lieu, parce qu'il y a moins de variété et d'invention dans les défauts que dans les qualités (je me rends bien compte qu'il s'agit là d'un postulat, mais j'y crois absolument). L'invention dans le bien dispose d'un éventail beaucoup plus large que l'invention dans le mal -voir l'insupportable monotonie de Sade (son côté prévisible), l'Histoire d'O qui ne parvient pas à rebondir, le côté scolaire et pion des grands malfaiteurs, sacrilèges, Gilles de Rais, etc, gens si laborieux dans leurs vilenies. Lorsqu'on a violé une femme -nonne ou vestale de préférence- de toutes les façons possibles, ou célébré par dérision une messe sur l'étal d'un boucher devant des abattis de porc, que peut-on bien faire de plus ? On peut toujours encore brûler un feu rouge.
Jetez par contre un coup d'oeil aux "questions et réponses" de mystiques iraniens comme Attar le Parfumeur ou Djalal al-Din Rumi -qui était turc-, on est partagé entre la surprise émerveillée et un sentiment de connivence profonde, cela touche au centre de vous-même le mille d'une cible dont on ignorait l'existence. C'est mieux que ce qu'on attendait et c'est aussi, d'une autre manière exactement ce qu'on attendait."
Nicolas Bouvier. Le vide et le plein.

9.6.09

Tuesday self portrait (l'acte manqué)

De ce mardi, pas de traces autres qu'écrites de la lumière métallique post-apocalypse et du galva assorti des chaises de la terrasse ni du sourire du jeune garçon auquel son grand-père a offert un petit oiseau en bois.
Pas d'image de l'intense concentration de la jeune fille mangeant un onigiri maison ni des pieds que l'employée en tailleur et collants déchausse discrètement sous la table.
Pas de photo de la vieille dame en kimono aux cheveux clairsemés ramenés en chignon ni des deux petits espiègles plongeant le visage entier en plus de leur bouche dans leur cornet de soft ice et répétant à tue-tête "oishi, oishi !" avant de penser à autre chose et de laisser dégouliner la crème le long de leurs poignets.
Pas de cliché du pantalon large dont on m'a dit hier qu'il était élégant ni du pull en coton sans manches à l'échancrure parfaitement adaptée au collier de Koenji...

Sortir de chez moi sans mon appareil photo alors qu'on est mardi... Faute professionnelle ou acte manqué ?!

8.6.09

L'heure anglaise (11)

"J'aime bien, parfois, ne pas m'intéresser."
Roland Barthes. carnets du voyage en chine.
Comment ne pas s'ennuyer à la lecture du journal que l'auteur a écrit en s'ennuyant ?

C'était dimanche et j'ai quitté mon balcon et Roland Barthes pour aller m'étendre sur la pelouse du palais impérial, en compagnie de Virginia Woolf.
Le drap était bleu comme le ciel, le thé était au jasmin, le pain était au seigle, l'air était chaud et calme, l'heure était anglaise, en plein coeur de Tokyo.

"On cite les paroles d'une dame un peu sotte, flatteuse, s'arrêtant un jour sur le seuil de ce qu'elle appelait "le coeur de la maison", la bibliothèque, et disant : "Après la cuisine, la bibliothèque est la plus belle pièce de la maison." Puis elle ajouta, franchissant le seuil : "Les livres sont le miroir de l'âme."
Dans ce cas, c'est une âme ternie, tachée. Comme le train met trois heures pour atteindre ce village éloigné au coeur de l'Angleterre, personne ne s'aventure à ce long voyage sans se munir contre la faim de l'esprit, sans acheter un livre à la gare. Ainsi le miroir qui réfléchit l'âme sublime réfléchit aussi l'âme ennuyée. Personne ne pourrait prétendre, considérant le fouillis de romans bon marché que les visiteurs de fin de semaine ont laissés, que le miroir réfléchit toujours l'angoisse d'une reine ou l'héroïsme du roi Henri.
A cette heure matinale d'une journée de juin, la bibliothèque est vide. Mme Giles a dû aller à la cuisine. M. Olivier fait les quatre pas sur la terrasse. Et Mme Swithin est naturellement à l'église. La brise légère mais variable, prédite par le bulletin météorologique, fait voleter le rideau jaune, distribuant alternativement la lumière et l'ombre. Le feu charbonne, puis brille, et le papillon écaille de tortue donne de la tête contre la vitre du bas de la fenêtre; toc, toc, toc; répétant que si aucun être humain ne vient, jamais, jamais, jamais, les livres moisiront, le feu s'éteindra et le papillon écaille de tortue tombera au bas de la fenêtre."
Virginia Woolf. Entre les actes.

7.6.09

Ton écriture

"Romain,
la place est libre, j'ai pris toutes mes affaires, salut.
Sasha"
Melvil Poupaud est penché au-dessus de la table. L'enveloppe déchirée est posée à côté de la clé de l'appartement.
Je me suis demandée qui avait tracé ces lignes.
La décoratrice ? Le réalisateur ? Ou l'acteur qui incarnait Sasha?

Mon amour,
ton mot bleu est arrivé hier et je vais l'épingler sur le mur de la cuisine.
Voir ton écriture, ce sera à chaque fois t'entendre me dire "à tout à l'heure".

6.6.09

14h12

"14h12 En train pour Nankin

Il fait gris, assez froid, au bord de la pluie.
Entrée dans le wagon : l'éternel Grésil-Chlore.
Petites tables. Thé par fille à nattes et à brassard.
Dehors. Campagne plate. Légumes. Colza jaune. Finalement assez français. Maisons. Blé.
Vérité du voyage : la Chine n'est pas dépaysante.
Sur les vitres du train, il crachine -il pleut.
Vitesse d'omnibus lent. Toujours beaucoup de colza, des maisons, des silhouettes au travail.

Toutes ces notes attesteront sans doute, la faillite, en ce pays, de mon écriture (par comparaison avec le Japon). Je ne trouve, en fait, rien à noter, à énumérer, à classer."
Roland Barthes. carnets du voyage en chine.
En fait, si.
Je continue à percevoir l'étrangeté du décor même si elle m'est devenue familière.
Mais les détails de cette étrangeté s'amalgament à mes pensées, se fondent naturellement au reste. Sauf les jours où mon esprit est aussi vacant qu'un vestiaire inutile et où je n'ai que ça à faire: noter les raisons du dépaysement.
Aujourd'hui, par exemple.

5.6.09

Là je suis... (13)

Elle est jeune. Jeune femme. Jeune mariée. Jeune mère. Jeune salariée.
Si elle ne se maquille pas, elle passe inaperçue dans le bus. Elle le sait. Elle porte volontiers du rouge à lèvres. Elle en change souvent, elle teste les nouveaux coloris qu'elle voit sur les publicités.
Sa coiffeuse a parlé de lui faire un balayage. Elle se laisserait bien tenter. 
Le dimanche matin, elle va courir pendant une heure. Avant qu'ils fassent le marché en famille.
Elle écoute la radio en cuisinant, le soir, pendant que Sébastien donne le bain à Marina. Elle fredonne souvent quand passent ses chansons préférées.
Elle est rarement de mauvaise humeur.
Une fois par mois, elle va au cinéma avec deux de ses amies. Après la séance, elles vont au restaurant chinois et parlent du film, de tout, de rien. Elle aime le bruit des chips à la crevette qui crissent et craquent dans sa bouche.
Le soir, quand elle va chercher Marina à la crèche, elle adore voir ses petits bras tendus vers elle, le sourire qui éclaire son visage. Elle l'appelle Marinette, mon lapin, mon coeur. Elle lui parle quand elles rentrent, elle répète les babillages de l'enfant, installée dans la poussette.
Elle trouve que Sébastien ressemble un peu à Brad Pitt. Elle l'appelle parfois comme ça : Brad, tu me passes le sel ?! Elle l'appelle mon chéri, mon fripounet. Pour parler de lui, elle dit Seb.
Elle est contente de son travail. L'ambiance est bonne au bureau. Elle rassure ses parents : J'ai de la chance, mes collègues sont vraiment sympa.
Elle s'entend particulièrement bien avec Karin et Françoise.
A l'heure de midi, elles s'échangent des recettes de salades légères, des idées de menus pour les fêtes, elles parlent du dernier épisode de la série qu'elles regardent toutes les trois. Elles réclament à Françoise des anecdotes sur des cas qu'elle a traités. Parce qu'elle a une longue expérience et qu'elle sait bien raconter.
Elle éprouve la satisfaction du travail bien fait quand elle colle une étiquette rouge sur la pochette d'un dossier bouclé avant de le classer.

Aujourd'hui, elle est inquiète. Marina n'avait pas bonne mine quand elle l'a laissée à la crèche. Elle regarde l'heure. Elle voudrait partir sans tarder. Mais elle n'arrive pas au bout de son travail, elle ne comprend pas, elle ne sait pas comment faire.
Alors elle appelle Françoise qui ne lui refuse jamais son aide.
Elle lui montre l'en-tête des fiches de paye : une société d'articles de pêche, un cabinet d'architecte, une institution privée, un éditeur de livres d'art, une grande surface et, même, des papiers étrangers, on dirait du chinois, je n'ai jamais vu ça, moi.
Des contrats de trois semaines, trois mois... Jamais plus de trois ans passés au même endroit.
Françoise explique : il y a un nom de code qui correspond au cas de ces personnes qu'on ne sait pas où classer et qui, de toute façon, ne perçoivent rien. Je ne sais pas qui a inventé ça mais c'est pratique : tu cliques sur cette profession qui veut dire tout et rien à la fois. Et ton dossier est bouclé.

Il sera temps demain de coller l'étiquette sur la pochette qu'elle classera définitivement. Elle enfile sa veste en regardant sa montre. Elle se dépêche tellement qu'elle n'attend pas l'extinction totale de son ordinateur. Et, tandis qu'elle franchit le seuil de son bureau de la caisse de retraite, on peut encore voir mon nom sur l'écran.
Mon nom et la mention :


Là je suis : quand j'ai dit à Mme Gâ que j'aimerais faire, un jour, un métier qui me permettrait de lui commander des cartes de visite, elle m'a prise au mot et m'a envoyé quelques propositions ... qui sont devenues, pour moi, une source d'inspiration !
Vous pouvez lire la série ICI
Pauvre Sophie Calle qui a dû, elle, se contenter de l'imagination de Paul Auster !!!

4.6.09

C'est jeudi !


Jour de fête pour Madame Gâ !!! Ce n'est donc pas un courrier tout à fait ordinaire que je glisse dans la boîte aux lettres de nos jeudis !

(Rappel des épisodes précédents pour d'éventuels lecteurs de fraîche date : Madame Gâ et moi avons bu des litres et des litres de thé, marché pendant des kilomètres et des kilomètres, nous sommes retrouvées dans de nombreux, très nombreux cafés et y avons passé de longues, très longues heures à parler... pendant les deux ans qu'elle a passés à Tokyo. A présent que nous sommes séparées, nous nous écrivons tous les jeudis et nous postons dans cette boîte aux lettres notre courrier public...)

3.6.09

"Les choses vivent sans moi"

Porter mes lentilles, c'est comme avoir du gravier dans l'oeil droit.
Porter mes lunettes, c'est avoir les ailes du nez irritées.

Ce matin, alors que je marchais autour du Botanique, j'ai renoncé à toute correction et c'était comme renoncer au monde.
Mais, parfois, ça fait du bien de ne pas être vue, de ne pas être là.
Je comprends les autruches.

2.6.09

Tuesday self portrait (l'attente)





           J'attends que tu me dises attends-moi.

1.6.09

Seul, le paysage

"J'ai besoin de faire quelque chose de mes mains, de les relier activement à mon cerveau. Quelque chose qui laisse une trace, au sens où le pianiste, quand son morceau est joué, a les mains vides. Avec un peu de chance -il ne s'agit pas du tout de chance, mais passons- avec un peu de chance au bout d'une journée j'ai dans les mains une page de phrases : la trace de mon travail, la trace que j'ai passé la journée à quelque chose et pas à rien, même si plus tard la page finit à la poubelle"
Marie Darrieussecq. Le Pays.

Marcher, me dis-je. Seulement ça : marcher. Et me laisser faire par les ruelles, m'abandonner au paysage qui défile dans mon champ de vision comme quand il passe par la vitre d'un train.
Ce sont les seuls moments de ma vie qui m'éloignent du crayon, du carnet, du livre et de l'appareil photo sans lesquels jamais je ne sors de chez moi.
Je ne m'autorise que mon baladeur où, un jour prochain, si le facteur veut bien, je glisserai du piano. Les Variations Diabelli de Beethoven, par exemple.