30.11.09

Jeu sans obligation d'achat


Le dernier numéro de Love Camera donne des conseils pour réussir les natures mortes. Prendre la photo à travers du scotch pour créer une impression de flou et d'autres exemples qui ne donnent pas envie de les suivre.

Il y a une photo, cependant, qui me plaît.

L'image est carrée mais donne l'impression d'être verticale. Elle est composée majoritairement d'un mur de couleur crème qui sert de fond.
Le tiers inférieur est occupé par une table en bois couverte aux trois quarts par une nappe de dentelle délicate sur le bord droit de laquelle sont posés (à gauche) un pot au lait en verre, à l'anse et au couvercle métallique et (à droite) une tasse en porcelaine ivoire, basse et trapue posée sur une soucoupe, contre deux petits sablés ronds et pâles aux bords cannellés.

L'oeil, après s'être posé sur la composition, après s'être attardé sur les biscuits qui ont l'air très doux au toucher, sur le reflet de la porcelaine qui rappelle la matière du lait, après avoir perçu l'ambiance un peu rétro qui se dégage de l'ensemble, une ambiance apaisante et propice à la concentration, qui donne envie de s'attabler, de croquer dans un sablé sans se soucier des miettes en lisant Nathalie Sarraute... l'oeil, donc, remonte vers le bord supérieur de la photo où pourrait presque passer inaperçue une affiche fixée au mur. En effet, celle-ci occupe à peine 3 cm de l'image et sa couleur est semblable à celle du fond.
Il est possible que l'affiche comporte une photo mais on n'en voit que le bas qui, lui, n'est qu'un texte en caractères très petits.
En rapprochant le magazine de ses yeux, on peut néanmoins le lire.

Dans ce magazine japonais, le seul texte que je suis en mesure de comprendre est celui de l'affiche de cette nature morte :

"(1) Service de personnalisation de téléphone mobile après votre achat dans ses couleurs d'origine. Personnaliser peut entraîner la perte de garantie du constructeur. PhoneAndiPhone assure la garantie le cas échéant. (2) Prix à partir de, valable pour l'achat d'un iPhone 3G 8Go et la souscription simultanée d'un abonnement téléphonique du 01/01/08 au 30/11/08 voir conditions sur phoneandiphone.com. Egalement disponible sans abonnement (3) Recevez cette offre en envoyant PP et votre email au 8128 (1,50 € l'envoi + coût du SMS selon l'opérateur) et gagnez votre iPhone. Jeu sans obligation d'achat. voir modalités sur phoneandiphone.com. Conformément à la loi Informatique et Liberté du 06 janvier 1978, les personnes ayant fourni des informations personnelles ont un droit de regard total sur celles-ci. Vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données qui vous concernent."

29.11.09

28.11.09

Les goûters de l'automne

Je laisse les autres savoir où ils vont et pédaler avec détermination.
Et je descends au terminus, je marche par hasard et alterne belles trouvailles et rues sans âme.
Je laisse les autres rêver devant les gâteaux mous et blancs de Noël.
Et je mords dans le mochi aux haricots qui ont la couleur des marrons et la saveur de l'automne.

27.11.09

"Loup- reçu ce matin ta lettre"


"Enfin mon chéri, il y a un mois de passé il ne te reste plus que 11 morceaux à manger du gâteau, sur lesquels 1 ou 2 tranches se consommeront en congés.
J'ai pensé à un procédé pour t'abréger le temps. Prends 11 tablettes de chocolat que tu aimes beaucoup, dis-toi que tu ne veux en manger une que le dernier jour de chaque mois -tu seras tout étonné de les voir filer -et l'exil avec. Je crois que je divague et que je dis une ineptie qui n'aurait d'avantage que d'augmenter ta dyspepsie.
Au revoir mon cher petit. Porte-toi bien et sois vainqueur d'un combat dont ton bonheur et le nôtre sera le prix.
Je t'aime tendrement.
J.P."

Correspondance avec sa mère 1887-1905. Marcel Proust
300 yens, en passant.

26.11.09

C'est jeudi !


C'est le jeudi que j'écris à Madame Gâ mais tous les autres jours, et même la nuit, vous pouvez lire nos courriers échangés dans la boîte aux lettres de Nos Jeudis.

25.11.09

Le goût de la pluie

Bien sûr que tout le monde aime écouter la pluie tomber, blotti dans les draps, quand elle est la promesse d'une journée au ralenti, où les théières se succèdent, où les lectures se partagent, où les cheveux se laissent ébouriffer par des mains tendres.
Mais quand cette musique accompagne la sonnerie du réveil et signifie d'avoir les pieds mouillés jusqu'au soir, le nez qui coule et le parapluie qui s'égoutte au milieu de la foule de la Yamanote... Il perd de son charme.
L'idéal, n'est-ce pas d'écouter le bruit de la pluie un jour où il fait beau ?

En voyant le kanji 雨 sur la cassette que la jeune fille timide du film s'apprête à introduire dans le magnétophone, j'ai regretté ne pas avoir eu seule une idée aussi jolie.
(Fine, totally fine (zenzen daijobu) donne aussi envie de manger des saucisses de poisson et de s'accompagner au ukulele pour inventer des chansons sur le bon goût du riz... Entre autres.)

24.11.09

Tuesday self portrait (tiens-toi droite)


J'enclos dans ce bijou de rien reçu avec surprise, tous les instants de fierté, tous les succès mérités, tous les éloges non usurpés.
Ainsi, chaque jour, je me souviens de tout ce qui me fait me tenir droite.
La dignité comme un colifichet, en somme...

23.11.09

No blues last night


Le verbe connaître est d'une totale imprécision puisqu'on peut l'utiliser aussi bien pour parler de quelqu'un à qui on a à peine serré la main que d'une personne qu'on côtoie depuis l'enfance.
Que faut-il savoir des gens avant de se sentir autorisé à dire qu'on les connaît bien ???
L'une des premières choses que j'ai apprises de l'homme que j'aime, c'est qu'il ne redoute pas les lundis matins.

22.11.09

L'heure anglaise (12)

Alors que je ne sais pas encore de quoi sera faite la journée, je plonge ma cuiller dans la mousse à la banane et j'ouvre le journal de Virginia Woolf.
Le temps peut attendre, encore un peu. L'heure est anglaise et, surtout, immobile.

"Nous sommes tous deux épuisés et les visages humains ne nous laissent plus une impression bien nette. Nous n'en devons pas moins aller dîner chez Osbert Sitwell ce soir, et rendre visite à Thomas Hardy demain. C'est cela la vie des humains, cette matière infiniment précieuse qui nous est distribuée dans l'instant en rouleaux étroits, pour nous être ensuite retirée à jamais; et nous la passons ainsi. Les journées où l'on ne ressent rien de bien défini sont les pires de toutes. Les journées où l'on s'oblige à entreprendre ceci ou cela pour quelque raison. Mais quelle raison ?
Il n'y a rien d'important à signaler pour le moment; ou bien (car mon état d'esprit est prodigieusement important) j'attends d'être à Rodmell pour le noter. Là-bas aussi je m 'attaquerai à la dernière partie de ce python, mon livre; c'est un vrai combat et je me demande de temps en temps pourquoi je m'expose à cela. Rose Macaulay dit : "A quoi d'autre pourrait-on employer ses pensées ?" Je ne l'ai pas revue, Gwen non plus et n'ai pas écrit à Violet Dickinson ni appris le français ni terminé Clarissa."

Virginia Woolf. Journal intégral. Jeudi 22 juillet 1926.

21.11.09

La nudité des fruits

Assise au soleil sur les marches, je regardais les garçons qui grattaient quelques accords et chantonnaient en riant, la petite fille qui, ayant perdu de vue ses parents, se figea et fondit en pleurs, la vieille dame qui berçait le nourrisson, les amoureux qui partageaient une barquette de frites et la mère qui grignotait le hamburger que son fils avait abandonné pour aller courir après les pigeons.

Je connais cet endroit par coeur et elles sont immuables, ces scènes à l'heure du déjeuner le week end.
Mais, à toujours regarder le spectacle du vivant qui m'entoure, j'avais omis un élément du décor.

20.11.09

Le ciel bleu sans elle

Elle s'était levée avant moi et le thé fumait sur la table.
Mon dernier petit déjeuner français date de ce jour de février, il y a deux ans, face au jardin.
Ensuite, nous avions mis mes bagages dans le coffre et elle avait fait tous les détours possibles ainsi que deux fois le tour du rond-point des Invalides avant de me déposer à la station de RER.
Elle voulait que je profite jusqu'au dernier instant de la ville dont j'avais vécu éloignée pendant deux ans et que je ne reverrai pas avant au moins aussi longtemps.
Elle était aussi excitée que si elle avait peint elle-même le ciel en bleu, avait déposé l'angelot en haut de la tour de la Bastille, avait planté tous les arbres des bords de Seine... Afin de m'en offrir la surprise ce jour-là.
Sur le trottoir parisien, on s'était embrassées, émues de se quitter parce qu'en se disant à bientôt, on ne savait pas quand ce serait.

Kriss était une vraie généreuse, elle partageait autant ses enthousiasmes que ses amitiés, ses découvertes, ses bonnes adresses. Elle offrait sa voix à tous mais aussi à chacun.
Elle m'a rendue belle et forte et j'espère avoir réussi à lui donner, moi aussi, ce que j'avais.
J'aurais aimé, même à distance, unir mes forces aux siennes pour le combattre, son cancer.
Paris sera toujours magnifique et le ciel encore bleu. Je prendrai d'autres petits déjeuners, je continuerai à écouter la radio. Je vais continuer à vivre, aussi. Mais sans elle.
Je ne parviens pas à croire que ce sera aussi bien.

19.11.09

C'est jeudi !

"Je parlais avec des professeurs de collège. Ils discernaient, surtout chez les filles, une volonté batailleuse, un désir, mais inquiet, déjà miné. "J'aime rêver, écrivait une petite, je ne devrais pas, mais." Une autre avait intitulé un texte "Les femmes peuvent travailler comme les hommes." Mais souvent aussi on trouvait un savoir fermé, total, désespéré. "Mon père travaille chez Renault, il ne pourra jamais écrire un livre".
Parfois j'entendais des phrases impossibles. Des adolescents jetés ensemble dans le même sac de leur future spécialité, ils étaient dans un lycée agricole, par un professeur pourtant bienveillant : celui-ci appelait sa classe du matin "les viandes", et sa classe d'après-midi "les produits laitiers".
Leslie Kaplan. Le psychanalyste.

Vous vous connectez ici depuis votre boulot ?! Alors n'hésitez pas à profiter de votre pause café pour lire la correspondance que nous échangeons, Madame Gâ et moi dans la boîte aux lettres de Nos Jeudis.

18.11.09

Tokyo, du matin au soir


A force de fréquenter les terrasses, j'avais presque oublié que mon balcon aussi est bien orienté et qu'il n'y a qu'au moment où le soleil est masqué par le haut du poteau électrique que j'ai besoin d'enfiler des manches.
En fin d'après-midi, j'ai enroulé de la laine rouge autour de mon cou et j'ai dévalé en roule libre la pente de Gokokuji en évitant de penser au moment où j'allais devoir la remonter.

Alors que le jour devenait nuit, la petite fille aux cheveux courts m'a dit : "Je ne suis pas un chaton, je suis une licorne".

17.11.09

Tuesday self portrait (le poisson de la voisine)


"Il est étrange qu'en soi-même on ne se sente pas d'âge. Connaîtrait-elle son âge, se demande Clyméné, si elle n'avait jamais compté les années de sa vie ? S'il n'y avait ni administrations, ni formulaires, anniversaires, curriculum vitae, écoles, candidatures ni caisse d'assurance maladie. Si l'âge qu'on a était chose aussi anodine que la taille du poisson rouge de la voisine ! A supposer que Clyméné n'ait jamais compté les ans et qu'un jour on lui ait demandé : quel âge avez-vous, au fait ? Elle aurait pu énumérer les métropoles où elle a vécu, les matières qu'elle a étudiées et enseignées, ou bien elle aurait pu mentionner les noms de ses colocataires.
-Le passé est-il dénombrable ?
Une étudiante posait cette question car il existe des substantifs indénombrables. Le passé est-il indénombrable comme l'eau et l'air ? Même si le passé était dénombrable, cela n'impliquerait pas qu'il ait un lien avec l'âge."
Yoko Tawada. Opium pour Ovide.

16.11.09

Lucky day


En montant à Sagami Ono dans le rapid'express, on n'a aucune chance de s'asseoir.
Rien ne nous empêche, toutefois, de choisir la personne en face de qui on se tient debout et de faire le pari qu'elle descendra à l'un des arrêts avant Shinjuku.
Ce soir, pour une fois, j'ai eu une place à Shin Yurigyaoka.
Peut-être aurais-je dû, en arrivant, acheter un billet de loto...

15.11.09

Jour de soleil


Si ma mère me voyait lire dans ma chambre, elle disait : "tu as vu comme il fait beau, tu ne veux pas plutôt aller jouer dehors ?"
A présent, je transporte mes livres au soleil.
Si ma mère m'avait vue aujourd'hui, elle m'aurait dit : "tu es sûre que tu ne veux pas plutôt te mettre à l'ombre ou porter un chapeau ?"

14.11.09

Samedi 14

"samedi 23

premières phrases de la dépêche reprises littéralement Plus d'un millier de personnes selon la police, plus de 2000 selon les organisateurs, ont manifesté samedi à Paris à l'occasion du 12e anniversaire de l'évacuation des sans-papiers de l'église Satin-Bernard pour réclamer "la régularisation de tous les sans-papiers." La manifestation, un cortège bon enfant (...)
et une fois de plus une fois de plus les chiffres selon la police et les chiffres selon les organisateurs j'ai le sentiment d'avoir entendu durant ma vie entière ou presque ces chiffres selon la police et ces chiffres selon les organisateurs
et une fois de plus aussi le bon enfant au rendez-vous que de cortèges bon enfant de manifestations bon enfant de spectacles bon enfant de cérémonies bon enfant de festivals bon enfant d'ambiances bon enfant d'humeurs bon enfant d'humours bon enfant de plaisanteries bon enfant (...) mais quelles raisons pour ce cortège du 23 août d'être lui bon enfant"

Jacques-Henri Michot. Comme un fracas.

A force de vivre éloignée des écrans de télévision, il y a beaucoup de faits d'actualité dont je n'ai jamais vu d'images animées. De certains autres, plus ou moins par hasard, j'ai aperçu des bribes : à peine quelques coups de pioche donnés dans le mur de Berlin, quelques minutes des attentats du onze septembre et pas davantage du soir de l'élection présidentielle en 1995.
Un journaliste, au milieu d'électeurs de Jacques Chirac en liesse, glissa dans son compte-rendu, que "l'ambiance de la rue était très bon enfant et que nombreux étaient les drapeaux à croix gammées." Il ne se reprit pas, il ne fut corrigé à aucun moment.

13.11.09

En sortant du bureau d'immigration

"-Où voulez-vous aller ?
-A Venise.
-Venise ! Quelle drôle d'idée !
-Vous connaissez Venise ?
-Bien sûr ! Tout le monde connaît Venise !
-C'est là que je suis né.
-Bravo ! J'ai toujours pensé que personne ne naissait à Venise et que tout le monde y mourait. Les bébés doivent naître tout poussiéreux et couverts de toiles d'araignées... En tous les cas, la France vous a bien nettoyé : je ne vois pas de trace de poussière, la France est un excellent détergent... Bravo !"
Bernard-Marie Koltès. Roberto Zucco.
(En lecture enthousiasmante ICI)

Après ces heures passées dans les cafés avec vue sur la vie aux heures ouvrées et denses, mon avenir, où qu'il m'emmène après Tokyo, aura forcément un parfum de province et de laisser-aller.

12.11.09

C'est jeudi !


"La directrice du centre culturel, qui a pitié de Coronis car elle n'a pas d'enfant, lui dit parfois qu'elle n'a pas besoin d'enfants, puisque ses livres sont ses enfants. Quelle offense pour les enfants que d'être comparés à des livres ! Les enfants ne sont pas là pour servir de métaphores ! Quelle offense pour les livres que d'être comparés à des enfants ! Une vie sans enfant est un plaisir pour Coronis, mais une vie sans livres est inconcevable."
Yoko Tawada. Opium pour Ovide.

De fil en aiguille, de trois petits chats à chapeau de paille... Comment nous viennent les sujets de conversation ??? Je ne le sais pas très bien mais, en tout cas, je n'en manque jamais pour rédiger à Madame Gâ le courrier que vous pouvez lire dans la boîte aux lettres de Nos Jeudis.

11.11.09

Jour de pluie


Au réveil, c'était délicieux d'écouter la pluie tomber.
C'est ça le vrai luxe : parce que la météo est versatile, pouvoir tout annuler -excepté le rendez-vous de 15H qu'aucun parapluie ne saurait changer en corvée-
Avant de poursuivre la lecture entamée la veille, j'ai allumé des lumières douces et enflammé un bâton d'encens.
J'ai laissé infuser l'american breakfast tea pendant que je découpais des fruits en morceaux et que j'ouvrais une barquette de natto bio.
"Royal !", ai-je pensé.
Mieux que ça, même, car je suis sûre que les têtes couronnées ne peuvent pas s'octroyer ce genre de caprices.

10.11.09

Tuesday self portrait (lectrice)

"11h

voyez-vous lectrice lecteur j'éprouverais peut-être une manière de satisfaction si je réussissais dans cette chronique à réduire un tant soit peu la place dévolue à mes
petites affaires privées je préfèrerais de beaucoup que l'extime l'emporte sur l'intime mais je n'ai pas la moindre assurance d'y parvenir autant que je le voudrais il m'est et me sera impossible je le sais de passer sous silence à tout le moins quelques-unes de mes émotions et difficultés toujours est-il que je me suis étendu à l'excès sur cet épisode d'amour que j'ai dérivé d'une façon presque catastrophique la raison en est sans doute que je viens de boire plusieurs verres de whisky à la suite je ne devrais pas quel manque de volonté n'est-ce pas je me souviens que ma mère m'avait déclaré un jour en constatant que je ne parvenais pas à m'arrêter de fumer tu n'as aucune volonté j'ai encore le son de sa voix dans la tête bref j'en suis là pour l'instant plusieurs verres de ce whisky dont j'ai déjà indiqué le nom j'ai assurément une raison bien à moi d'avoir recours au whisky J&B plutôt qu'à un autre rien ne m'empêcherait de vous faire part de cette raison mais je la garderai par-devers moi ainsi n'aurai-je du moins pas aggravé mon cas ce matin
et si je choisis de m'adresser directement à vous c'est en pensant à ce qu'a écrit henri michaux

Je compte sur toi, lecteur, sur toi qui vas me lire, quelque jour, sur toi lectrice. Ne me laisse pas seul avec les morts comme un soldat sur le front qui ne reçoit pas de lettres. Choisis-moi parmi eux, pour ma grande anxiété et mon grand désir. Parle-moi alors, je t'en prie, j'y compte."

Jacques-Henri Michot. Comme un fracas.

Cher Jacques-Henri,
j'ai découvert une faille dans mon emploi du temps qui m'a permis d'associer une terrasse au soleil, la saveur d'un thé vert et une cinquantaine de pages de ton livre.
Dit-on jamais assez le bonheur que procure la lecture ? Ce moment où, dès le début d'un texte, on le sent résonner, on se sait touché d'avoir été choisi comme témoin, comme lecteur, comme compagnon...
Jacques-Henri, merci de partager tes musiques, tes auteurs, tes faiblesses et tes emportements nécessaires.
Il était bien, ce midi, en ta compagnie. Et j'aime savoir que le plaisir d'entendre ta voix va durer encore plusieurs centaines de pages.
Je t'embrasse,
Gwen.

9.11.09

Quinze minutes de soleil en plus


Je ne suis jamais très en avance pour attraper la Yamanote de 42 et, ce matin encore, j'ai allongé le pas.
En haut de l'escalier, j'ai compris que mes efforts avaient été inutiles : le train était à quai, immobilisé. Des voyageurs en descendaient. D'autres y restaient, incertains. Nombreux étaient ceux qui téléphonaient. La durée de l'attente n'était pas prévisible.
Entre deux annonces sonores, la gare était calme : aucune démonstration de force ni de rage. Ici, chacun sait user de patience et de longueur de temps.
Le soleil chauffait idéalement le quai.
J'ai fermé les yeux.
Ce quart d'heure buissonnier a été le meilleur moment de la journée.

8.11.09

La transhumance

Deux fois par an, ma couette d'hiver traverse la ville, sanglée sur le vélo.
Des montées, des descentes sous le ciel bleu.
Un petit déjeuner dans la cour des temps anciens.
La lecture des suppléments littéraires sur les bords de l'Edogawa parce qu'un rayon de soleil sur un banc et un air de trompette m'y invitent.
Puis, alors qu'il fait nuit, un mochi qui gonfle sous le grill, la naissance d'une énigme, un dialogue de théâtre et la promesse de nuits tempérées.

7.11.09

... Joie de recevoir


Où s'arrête la politesse ? Où commence l'hypocrisie ?
Vaut-il mieux accepter un gâteau (du foie gras, du chocolat, des beignets, le dernier Marc Levy... etc) parce que le don est plein de bonnes intentions ???
Au risque de toujours se voir offrir ce qu'on n'aime pas... Et d'avoir l'air vraiment stupide quand un vieil ami présent lors d'une de ces occasions s'exclame "et moi qui croyais que tu détestais les gâteaux au chocolat !"
Ou décliner le plus gentiment possible une adorable attention en précisant habilement, dans la même phrase, où vont nos préférences ???
Après avoir refusé des bagels, des sablés et d'autre pâtisseries chocolatées, je viens de recevoir 600 grammes d'umeboshi...
La franchise a du bon !!!

6.11.09

Dans les pages

Une cuisine toute neuve. Chantal Pelletier.
Rares sont les personnes à qui je demande des conseils de lecture car la plupart des gens, pour répondre à cette question, se soucient rarement de moi.
Je n'aime pas les "il faut absolument lire..." que je devine adressés à moi comme à n'importe qui d'autre, sans distinction.
Nouvelles du racisme ordinaire. Daniel Zimmerman.

Je ne sais plus comment c'est arrivé mais, un soir, il m'avait fait lui raconter les mois que j'avais passés à lire, lire et rien d'autre, ces mois où la vie importait moins que la lecture.
Jamais je n'aurais osé lui dire "il faut absolument que tu lises..."
Mais quand j'ai su que c'était grâce à cette soirée qu'il s'était plongé dans la Recherche du temps perdu, j'en ai été infiniment touchée.
Le ventriloque. Brigitte Peskine

Et voir les sculptures de Thierry Grave, c'est un peu ça aussi.
Ce n'est pas entendre une injonction mais recevoir son interprétation, partager son expérience de lecture.
L'échappée. Anne-Dauphine du Chatelle. 

L'exposition "L'ivre d'auteurs" est un parcours sensible entre les pages, au coeur des mots.
Et elle donne une formidable envie : celle de lire.
Je suis la vieille dame du libraire. François Perche.

(A voir à l'institut franco japonais de Tokyo jusqu'au 30 novembre)

5.11.09

C'est jeudi !


N'est-ce pas un peu cliché de dire que les clichés ont la vie dure ?! Je m'efforce toujours de les éviter mais plus encore quand j'écris à Madame Gâ le courrier de Nos Jeudis.

(Rappel des épisodes précédents pour d'éventuels lecteurs de fraîche date : Madame Gâ et moi avons bu des litres et des litres de thé, marché pendant des kilomètres et des kilomètres, nous sommes retrouvées dans de nombreux, très nombreux cafés et y avons passé de longues, très longues heures à parler... pendant les deux ans qu'elle a passés à Tokyo. A présent que nous sommes séparées, nous nous écrivons tous les jeudis et nous postons dans cette boîte aux lettres notre courrier public...)

4.11.09

Boulimique

Un recueil de nouvelles d'Eric Faye est un festin qui ne refroidit pas, qui ne se périme pas, que je peux savourer lentement, dont je peux étaler le plaisir de lecture sur un long temps.

Mais voilà, comme d'autres achèvent une plaquette de chocolat après s'être promis de n'en manger que deux carrés pour la faire durer toute la semaine, je reprends à peine mon souffle entre deux récits jusqu'à la fin du livre.

"La veille avait été un bien curieux dimanche. Un embouteillage de minutes plus monotones les unes que les autres, qui n'arrivaient pas à passer par le goulot de cette drôle de journée. Un ciel qui pleurait à intervalles réguliers sur les vitres et le toit, soupirait à en faire claquer les volets, en décoiffer les arbres. J'ai pris ma grande décision à un moment précis de cet après-midi-là... Je terminais d'avaler un café froid en regardant par la fenêtre. Mon mari lisait une revue ou faisait semblant, ou les deux : il arrive que l'on parcoure des lignes sans rien en retenir de plus que ce qu'un avion d'épandage garde des sillons qu'il saupoudre. A un moment donné, il a dû y avoir dans cet après-midi-là quelque chose d'excessif, je dirais. Quelque chose d'imperceptiblement excessif, un débordement, et c'est alors qu'a dû se former ma décision, si bien que, dans le courant de cet après-midi-là, je me suis dit que c'était pour le lendemain, tu le fais demain, ça ne peut plus durer comme ça. Ce dimanche avait été un brin plus barbant que la moyenne... Sur une échelle de l'ennui finement graduée, on parvient à détecter des choses comme ça, aujourd'hui. Un tout petit peu plus maussade, et c'est ce petit peu qui avait fait passer le potentiomètre dans le rouge. Le soir, je me suis endormie satisfaite de ma décision mais, le plus curieux, c'est que le lendemain matin -le lundi-, je me suis réveillée animée des mêmes intentions. Combien de fois avais-je déjà renoncé, auparavant ? Et là, non. Je m'en suis étonnée et me suis dit bon, peut-être dois-je à un dimanche un brin trop dimanche de me retrouver un lundi matin sans craindre de tout bouleverser ?"
Eric Faye.
Quelques nouvelles de l'homme.

3.11.09

Tuesday self portrait (vairon)


Mais qui peut douter des vertus du maquillage ?

2.11.09

Etre dans l'erreur

A ce moment-là, j'allais très souvent au cinéma et je laissais des messages rageurs sur le tableau des commentaires, à l'intention des projectionnistes peu soucieux, me semblait-il, de leurs réglages.
Il aurait été poli d'aller, plus tard, épingler un mot : "excusez-moi : en fait, je suis myope"...
Quinze ans après, je suis encore nostalgique des vingt-quatre premières années de ma vie pendant lesquelles ma vue était excellente.
Si mes yeux ont besoin d'une correction, cela signifie-t-il que ma vision des choses est erronée ?

"Coronis arrête sa lecture, elle retourne avec précaution vers la page, la pseudo-mouche resurgit. La pseudo-ombre volante n'est pas dans l'air, mais dans les prunelles de Coronis, c'est une déchirure dans sa vue.
-Cela vient de l'âge,
dit l'ophtalmologue.
-Ces fausses mouches viennent de l'âge ? Et où est-ce, cette ville, Lâge ?
-Ce ne sont pas des bêtes, c'est un problème physiologique.
-Avoir tous les ans un insecte de plus dans le corps, c'est bien : un grillon dans le coeur, une sauterelle dans les nerfs et un papillon de nuit dans la gorge.
Coronis se voit comme une maison où habitent d'invisibles insectes. Le médecin pose sur le nez de Coronis des lunettes de test et désigne une affiche sur laquelle on voit une série de lettres. On dirait de la poésie concrète.
-Quelles lettres voyez-vous ?
Coronis voit un O, mais avec une autre paire, elle voit un Q, et avec une troisième un G.
-Et maintenant que voyez-vous ?
demande le médecin.
Coronis répond :
-Je vois à chaque fois quelque chose d'autre. Vivre plusieurs significations en changeant souvent de lunettes, c'est cela le sens d'une paire de lunettes ?
-Les femmes qui avaient de bons yeux étant jeunes ont des problèmes avec les lunettes car pour elles, c'est uniquement un symbole de l'âge. Mais songez que beaucoup de petits enfants sont obligés de porter des lunettes,
dit le médecin.
-C'est ennuyeux, une vie sans lunettes,
répond Coronis gaiement.
Yoko Tawada. Opium pour Ovide.

1.11.09

L'infra-ordinaire


La naissance du jour dans les ruelles, le déjeuner au soleil sur le toit, le panier du vélo empli d'oranges et de kakis...
Mes dimanches sont si semblables aux autres jours qu'il m'est parfois difficile de distinguer le début de la fin d'une semaine.
Aujourd'hui, cependant, en plus du quotidien, une expo à Yanaka.