Loin du ciel
Je ne pars pas en voyage sans livres.
Je n'ai pas le temps de travailler parce que je lis.
Je n'ai pas d'argent pour voyager parce que j'achète des livres.
Je n'aurais pas le temps de lire si je travaillais afin de gagner de l'argent pour voyager.
Je ne pourrais pas acheter de livres si j'achetais un billet d'avion.
Or, je ne pars pas en voyage sans livres.
Mais chaque livre me fait partir en voyage.
"J'ai lu dans un livre sur les Indiens que l'âme ne peut pas voler plus vite qu'un avion. C'est pourquoi on perd son âme quand on voyage en avion, et on arrive à destination mentalement absent. Même le transsibérien roule plus vite qu'une âme. Lors de ma première venue en Europe, par le transsibérien, j'ai perdu mon âme. Quand je suis repartie par le train, mon âme était encore en route vers l'Europe. Je n'ai pas pu l'attraper. Lorsque je suis revenue en Europe, elle était en route vers le Japon. Ensuite, il m'est si souvent arrivé de voler dans un sens et dans un autre que je ne sais plus où mon âme se trouve. C'est en tout cas une raison pour laquelle, généralement, un voyageur manque d'âme. Le récit d'un grand voyage doit donc être fait sans âme."
Yoko Tawada. Narrateurs sans âmes.
6 commentaires:
C'est vrai que le temps du voyage est manquant... Souvent je rêve aux caravelles, aux caravanes, ou, plus simplement, à la traversée d'un continent à bicyclette...
Avoir le temps de voir se transformer les lieux et les rythmes au rythme de notre propre transformation de voyageur...
Et arriver au bout, là où nous désirions nous rendre, en ayant - déjà - et longtemps, voyagé...
L'avion est magique, mais il est comme le pays de Peter Pan, destiné aux enfants, là où le temps n'a pas de prise mais aussi la où la vie n'a pas de profondeur.
J'aime la profondeur du temps.... Celle que l'on retrouve lorsque l'on s'immerge dans un livre.
Tu sais : assise sur ton fauteuil, à regarder le temps qui passe :-)
DesBIses, de celles qui se rêvent nomades...
Ju
À passer à nouveau mon temps à vendre des livres pour en r'acheter, je n'en ai plus pour les lire. Ils veulent bien attendre. En attendant le voyage, prochain. Le train suffit parfois.
Un livre, une autre vie m'imprègne
Vos mots ont parfois la grâce 'd'une cérémonie du thé'. Une infinie légèreté. Une magnifique précision. Des images en écho, des mouvements, des retours, des résonances, qui prennent totalement...
Et si l'on ajoute au livre, un éloge plus complet de la lenteur propice à la décantation de mon meilleur vin ...
Pays de Neige.
voilà tous nos dilemmes bien résumés! Voyager sans livres ? Hors de question !
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