9.8.09

Les courriers de l'été (7 : les jours sans)

"Je me réveille et je pense à toi et te sens, je m'endors et je pense à toi et te sens, le jour passe avec le travail et les réalités qui m'absorbent, et je pense à toi et te sens, à tout moment, dans chaque activité, toujours tu es là. Je crois que c'est comme ça depuis des années et des années déjà, certes pas avec cette force et cette nécessité, mais c'était là en quelque sorte de façon latente, à la limite de la conscience. Maintenant c'est le centre, le centre ou plutôt le noyau à partir duquel tout le reste devient simplement possible. Le reste, le reste est possible : je peux vivre, et je vis avec la souffrance, avec la nostalgie. Je ne sais pas où cela peut mener. Je me demande souvent comment mes excès peuvent être supportables pour toi, pour nous, pour moi. Je suis presque sûre que partager le quotidien nous serait presque insupportable. Je connais mes limites et mes difficultés, et j'ai été amenée à sentir les tiennes, je sens tes limites même maintenant à travers ton silence.
Mais il doit bien y avoir une certaine forme de réalité que nous puissions partager. Je crois, je sais que mon besoin de toi, au-delà de toute faim, au-delà de ma soif de toi -qui est là et profondément là-, mais au-delà de ça, je crois, je sais, j'espère aussi, qu'il y a beaucoup de choses -tournées vers toi-, une grande capacité de donner, de me tenir à tes côtés, d'éprouver avec toi -par-delà mon besoin et mon vouloir-, une manière d'être là pour toi."
7.11.1969
Lettre de Ilana Shmueli à Paul Celan


J'ai mis du temps à aimer les dimanches. Le temps que leurs soirées ne soient plus associées aux devoirs non faits, aux leçons non sues puis, plus tard, aux copies pas encore corrigées.
Mais, toujours, les dimanches ont le goût des journées imparfaites, des journées privées de l'espoir de recevoir du courrier.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

"Je me réveille et je pense à toi et te sens, je m'endors et je pense à toi et te sens, le jour passe avec le travail et les réalités qui m'absorbent, et je pense à toi et te sens, à tout moment, dans chaque activité, toujours tu es là. Je crois que c'est comme ça depuis des années et des années déjà". Correspondance oui.

Emily a dit…

Ah, merci pour ce billet. J'aime beaucoup Paul Celan mais j'avais seulement lu les lettres entre lui et Ingeborg Bachmann. Cet extrait m'a vraiment serré le coeur. Je n'aimais pas les dimanches moi non plus; maintenant j'apprécie cette journée tranquille, même si les courriers me manquent aussi!

Anonyme a dit…

Pour que la table des matières soit complète, il faut maintenant révéler l'existence des correspondances de Paul Celan et de Gisèle Celan-Lestrange, son épouse.