22.6.08

Un dimanche avant la pluie*

N'ayant pas le sens de la fatalité, ni celui des signes, je ne pense pas  "ça commence mal" quand je renverse l'intégralité de mon gobelet de lait de soja sur la moquette, mes chaussures et mon pantalon.
Non. Je me contente de rester un moment les bras ballants avant d'aller prévenir une serveuse de mon désastre.
J'aurais bien tort, d'ailleurs, de me dire cela puisque la jeune fille, en même temps qu'avec une serpillère, vient avec un duplicata de ma boisson.
Et puis, à cause du risque de pluie, je n'ai pas mis mes tennis neuves, c'est le cuir de mes vieilles Doc' qui boit tout le lait.
Alors non, décidément, ce dimanche ne commence pas mal.

La saison des pluies est celle du gris, de l'ardoise mais aussi celle des hortensias et, enfilant des manches qui me protègent de la clim', j'ai l'impression d'être au diapason du temps qu'il fait. J'aime ces couleurs un peu éteintes, un peu nostalgiques.

Omotesando s'éveille à 11H.
Aux lecteurs de journaux, matinaux et immobiles, succèdent des couples d'amoureux silencieux ou des bribes de familles.
Que faut-il savoir de leur mère afin de mieux comprendre ces deux enfants américains -un garçon, une fille- enfoncés dans le canapé et riant avec leur père ? J'aime l'imaginer rester lire et manger des tartines à la marmelade d'orange dans son lit, tous les dimanches matins, pendant que le père -absent toute la semaine- rappelle son existence à ses enfants.
Dehors, le ciel est trop menaçant pour que les serveuses du farmer's table café déplient le parasol. Elles discutent en souriant avec quelqu'un dans la cour. Quand l'une d'elle s'accroupit et tend la main, je m'aperçois que c'est avec un chat.
De l'autre côté de la rue, la boutique "A mon avis" a exposé, dans sa vitrine, des bottes en caoutchouc à côté de l'affiche des Parapluies de Cherbourg.
J'achève la lecture de mon livre.

"C'est ça. C'est aussi simple que ça : il y avait le passé, il y a le présent, il y aura après. Rien que le futur simple, c'est déjà un chouette indicatif. Je trouve.
Je l'ai dit à la maîtresse. Je lui ai dit, Tu sais, je préfère le futur comme indicatif. Elle a dit, Si tu veux. Elle dit aussi, Fais quand même attention à la conjugaison. La concordance des temps.
J'essaierai de faire accorder, je lui dis. J'ai compris que ça se marie, tout ça. J'aime la conjugaison."
Jean-Noël Blanc. Fil de fer, la vie.

Ensuite, c'est l'heure de rentrer, pour d'autres ambiances, d'autres musiques.

*"Il y a dans ces dimanches qui se consument quelque chose de mélancolique mais jamais triste, une rêverie." Macha Makeïeff

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