L'homme fossile
Sur la terrasse du Tobu, il est là, invariablement. Les deux mains rigoureusement posées sur la table, la même tenue, toujours, les yeux fermés, au soleil, en plein soleil. Parfois une gorgée de thé. Une fois un sandwich.
Plus reptile qu'humain.
Ce jour-là, prendre l'ascenseur. Et quand les portes s'ouvrent, découvrir un étage méconnu à la place du lieu commun. Des restaurants, une immense librairie, des enseignes jamais vues.
C'est décidément Tokyo.
Cette impression, toujours, que varier de quelques mètres un trajet familier peut suffire à tout changer, peut faire pénétrer dans un espace parallèle.
Cette impression, toujours, qu'il suffit de peu pour entrer dans un roman de Murakami.
"Cet engin n'avait rien à voir avec l'ascenseur bon marché de mon immeuble, plutôt simpliste, du style seau de puits légèrement évolué. Deux appareils comme ceux-là ont tellement peu de points communs que l'imagination a du mal à concevoir qu'ils portent le même nom, possèdent la même structure, et aient été construits dans un but identique. Ces deux ascenseurs étaient vraiment aux antipodes l'un de l'autre, à une distance défiant les limites de la pensée.
Primo, question de largeur. L'ascenseur dans lequel je me trouvais était assez large pour y aménager un petit bureau confortable. Même en y mettant une table, des placards, un secrétaire, et en y installant une kitchenette, il serait sûrement encore resté de la place. Si ça se trouve, on aurait pu y faire entrer trois dromadaires et un palmier de taille moyenne. Secundo, question de propreté. Celui-ci était aussi propre qu'un cercueil flambant neuf, avec les murs et le plafond en acier inoxydable immaculé, le sol recouvert d'une épaisse moquette bouclée vert mousse. Tertio, il était mortellement silencieux."
Haruki Murakami. La fin des temps.
1 commentaire:
Rhalala, cette FIN DES TEMPS... et ce Murakami ! Avec Mr Iwasaki, fournisseur de thés verts from Kyoto à Perth, on en parle souvent.
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