7.3.07

Dans le train


Dans le train, je regarde les gens.
Derrière leurs yeux clos ou dans le vague, j'invente leur vie.
A chacun des rêves d'enfants défaits, un échec à un examen, un compliment qu'ils se répètent mentalement, leur impatience à retrouver le héros de leur série préférée.
Petite fille, déjà, elle replaçait certainement de cette façon la mèche de cheveux qui s'accroche dans ses cils.
Il relit pour la troisième fois la page 65 de son livre sans mieux la comprendre. C'est parce que, il y a trois ans, il n'avait pas réussi à dépasser ce chapitre qu'il s'est replongé dedans. Mais, même s'il n'aime pas abandonner une lecture en cours, il commence à admettre que ce livre n'est pas pour lui.
Il consulte ses mails, machinalement. Il sait d'avance qu'aucun de ces messages n'est personnel. Il sait que, dans son immeuble, il ne trouvera que des prospectus dans sa boîte aux lettres. Il sait aussi que, ce soir, sa mère l'appellera. Comme tous les soirs.
Elle a beau savoir que ce n'est pas parce qu'elle ne pense qu'à ça que tout le monde peut le deviner, elle ne peut s'empêcher de penser que le wagon entier doit savoir qu'elle est enceinte, que ça se voit, forcément, même si ce n'est que depuis un mois et demi.
Si elle avait le courage de faire un détour jusqu'au supermarché, elle pourrait peut-être acheter une barquette de tempura. C'est l'heure où il y a des soldes dans le rayon des produits frais. Ou des sashimis alors. De toute façon, il ne lui reste vraiment plus rien à manger à la maison. De la soupe en sachet, peut-être.

A l'heure où les sièges sont tous occupés, les mains de ceux qui restent debout se tendent vers les poignées qui se balancent.
De toutes ces personnes, on peut, alors, apercevoir l'intérieur du poignet, là où la peau est presque transparente, là où affleure le bleu des veines et où bat la vie, si semblable à toutes les autres et, pourtant, si singulière.
C'est là que, moi, le matin, je verse quelques gouttes de Bel Ami. Parfois, dans le train, dans la foule, il me ramène à moi.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

comment ça NO comment ! j'ai beaucoup aimé ce texte que je n'avais pas lu... regarder les gens ou les appartements vus de l'extérieur et s'imaginer la vie à l'intérieur, tout cela me parle... beaucoup !

Gwen a dit…

Merci, mademoiselle Chat ! J'ai publié les deux derniers billets presque dans la foulée et je me demandais si celui-là serait lu/vu... Et en fait, oui !

Anonyme a dit…

Tu n'as pas honte, toi!
Moi aussi parfois le matin ou le soir je commence à m'imaginer qui peuvent bien être les gens qui sont si proches de moi dans le métro. Et puis je me reprends en me disant "voyons éric! ne commence pas à t'inventer des histoires stupides!"
Mais non. Tu as raison. Ce n'est pas stupide...