Read this fucking book
Quand je les entends parler, je me dis souvent que les lecteurs de Jim Harrison ont de la chance.
Ils en parlent avec une passion qui fait envie.
C'est un peu la même chose quand il s'agit d'Hemingway, de Kerouac, de Fante.. Ces écrivains Américains que mon ami R. qualifie de "souvent gros, alcooliques et désabusés", disant d'eux "qu'on en est tous revenus"...
Pas moi. Je ne peux pas en être revenue puisque je ne les ai jamais lus.
J'ai du mal à expliquer pourquoi mais je n'ai jamais été très amie avec la littérature américaine. Et déjà enfant, avant même de savoir à quel point je pourrais être urbaine, je n'ai jamais été attirée par les romans des grands espaces et de la pêche à la mouche.
Jenny lit en silence mes lignes depuis son jardin odorant et breton. Elle m'envoie parfois un compliment bien tourné, quand mes mots réussissent à la toucher.
Un jour, de passage chez son libraire, elle pense à moi et me propose tellement généreusement de m'envoyer le livre de mon choix que j'accepte l'envoi seulement s'il s'agit de SON livre à elle.
Elle répond que, si elle devait être Robinson, alors c'est Jim Harrison qui serait son Vendredi.
Ah.
Passée cette réaction, j'attends avec impatience le colis de Jenny.
J'ai enfin une bonne raison de me colleter avec cet Américain-là : quelqu'un que j'ai envie de connaître qui me dit "read this fucking book". La meilleure raison.
On devrait pouvoir faire connaissance ainsi : donner à voir de nous ce que nos livres aimés disent de nous. Présenter nos auteurs favoris comme nos amis.
Et d'emblée, j'aime cette écriture sans roublardise, qui installe un récit en deux pages, simplement et sans effet de manche... Qui nous raconte une histoire sans nous embobiner, en nous laissant libres de suivre le fil. Ou pas.
Dalva est une de ces femmes libres et si attachantes. Qui sait transformer les souffrances, les bêtes douleurs de la vie en force discrète, en confiance en elle, en humour distancé. Une héroïne de la trempe de celles de Laurie Colwin, qui se souvient tranquillement de ce qui l'a menée jusque là et pose sur les événements et les personnes un regard tendrement ironique.
Dalva est de ces femmes qu'on aimerait avoir comme amie.
Et je devine que Jenny est de celles-là aussi. Une femme dans le jardin duquel il serait bon de laisser passer les heures. Arracher distraitement une ou deux mauvaises herbes pendant que le thé ne refroidit pas.
"Tous mes ancêtres que je connais étaient de grands épistoliers et de fervents adeptes du journal intime. Comme s’ils croyaient qu’ils risquaient de disparaître s’ils ne couchaient pas leur vie sur le papier. Un temps, vers l’âge de vingt-cinq ans, j’ai interrompu ces habitudes, mais j’ai bientôt eu le sentiment de me répéter, devenir assommante. J’ai donc recommencé d’écrire pour me débarrasser de mes pensées et de certaines informations, pour faire de la place au nouveau. On procède ainsi à un relevé topographique d’une région, puis on va de l’avant."
Dalva. Jim Harrison. 10/18
5 commentaires:
ah, la topographie de quelqu'un ...en dessiner une carte du tendre, en faire de minutieux relevés étonnés & surtout y laisser de grands pans inconnus, pas touche ...c'est cela que j'aime beaucoup aussi dans Dalva : elle peut se mouvoir dans notre imaginaire parce qu'elle a de la marge bien au-delà .Et même quand on a lu le livre plusieurs fois, il lui garde cet espace, ce souffle libres. J'avais, en chevrotant,demandé à Harrison s'il savait où il allait en écrivant ce livre, et la réponse pour lui semblait aller de soi: bien sûr que non . Alors il a suivi ce que Dalva lui a laissé découvrir, et ne s'est pas avancé au-delà ...
Merci pour ce mot d'aujourd'hui, Gwen- parlant de jardin, j'y ai découvert des orties, & par pure rébellion contre un décret imbécile qui interdit d'en diffuser la recette, je m'en vais en concocter du jus à donner aux potagers des copains...Ca fait un joli juron aussi, purin d'ortie !
en soupe, ils sont aussi trés bons!
ELLES !!!.........(pardon !)
Dalva ou autres .. ses livres, ses mots, ses auteurs, elle en parle avec une passion qui fait envie, Gwen.
Dis, l'auteure ; il faut continuer à nous faire rêver, with all these fucking books ... et les photos des fleurs.
Pays de Neige
Du purin d'ortie, voilà encore un très beau cadeau de la part de quelqu'un qui sait combler ses amis...
Véron : oui, c'est une bonne idée... pour qui sait cuisiner les soupes !
J'essaie, j'essaie, ami de neige... Avoir chaque jour le regard assez neuf pour voir les fleurs qui n'existent pas...
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