Tuesday self portrait (un regret)
Je me souviens de ces jours où tout relevait de l'évidence.
Je me souviens de ce jour où, sur le seuil du magasin Flamant, dans la lumière de la rue Esquermoise, nous avions découvert, sur le nuancier, la couleur "Moyen-âge" . Et, aussitôt, nous avions su que c'était elle qu'il fallait à notre cuisine.
Et, bien sûr, elle s'était accordée parfaitement aux chilis, aux Irish stews, aux carbonades mangés avec nos amis.
Moyen-âge : tout à la fois aubergine, vieux rose, tourbe, aux pointes de gris visibles à certaines heures du jour.
Combien de bouteilles vidées, combien de journaux lus avant d'aller bosser, combien de gâteaux cuits, de mondes refaits dans cette couleur insaisissable ?
Les théières, on les buvait dans le gris "Cathédrale" du salon. On se brossait les dents sur fond de "Ciel d'Ostende". Et nos rêves se teintaient de "Grand cru".
Certains matins, le soleil se lève dans un ciel d'après typhon. La lumière émouvante effleure les pétales couleur nuages. L'air est parfumé au miso. Ou au café fraîchement moulu. Ou au magnolia. Les employés en manches de chemise accomplissent ensemble quelques mouvements de gym dans une cour. Les enfants avancent en rang vers le parc.
Certains matins ressemblent à des pochettes surprises.
Ces matins-là, je ferme les yeux pour tout retenir.
Il est des jours où il est plus facile de vivre dans le regret de ce qu'on ne sera jamais plutôt que dans la satisfaction de ce qu'on a réussi à devenir.
Moi, ces jours-là, j'ai l'intense regret de ne pas être coloriste.
O combien j'aimerais être l'auteur d'un pot de peinture "un matin à Tokyo"... Ce coloris si exact, si simple, si plein, si évident... que deux personnes, la voyant sur un nuancier, n'auraient même pas besoin de se parler pour savoir que c'est cette teinte qu'elles veulent donner à leur vie.
9 commentaires:
Tout de même tout de même...Tu écris drôlement bien, princesse du pâté au miso...:)
oui, ce billet est particulièrement réussi, je trouve aussi.
Oui c'est très émouvant.
Et à chaque fois que tu parles de Lille, je me demande si c'est la même ville que celle où je vis, et puis je me souviens que c'est surtout pas la même vie que celle que je vis. Bon. Moi aussi je rêve en ce moment à tout ce que j'aurais aimé faire et ça me semble bien plus passionant et épanouissant que ce que je fais. Dommage. Et quand je regarde dehors, ce n'est pas "un matin à Tokyo" qui m'éblouit, mais un vieux pigeon tout mouillé sur la goutière et un ciel gris qui n'arrête pas de dégouliner, avec une régularité qui pousse à l'évidence.
Je suis sûre que tu y verrais des belles choses quand même, je vais m'efforcer au regard poétique !
Biz.
Moi non plus ,je n'oublierai jamais ces magnifiques couleurs,je crois que c'est la premiere chose que j'ai vu chez toi.Elles te ressemblent:indefinissables et si justes.
Je t'embrasse
Sandrine
Moi aussi j'ai été très touchée par ces lignes (et cette fois je l'écris haut et fort, en public, plutôt que sur gmail).
C'est très beau (j'allais écrire "émouvant" et puis je me suis rendue compte que c'étaient les mots de ma soeur (!) je ne vais pas copier qd même !).
Il n'y à rien à ajouter.
Ah si, noter l'adresse pour y envoyer ts mes amis et leur dire, qu'à défaut de me lire, puisque je suis si inconstante ds ma correspondance, ils devraient venir lire ces lignes, car c'est aussi le fond de ma pensée (tellement au fond que je n'avais même pas vu) et dans la forme, c'est magnifique, bien plus beau que ce que j'aurais pu écrire de ttes façons.
Merci et à très bientôt !
Je note que l'arbre n'a tjs que des bourgeons mais on surveille ça de près !
ps d'encouragement en direction de Lille. c'est amusant de se croiser ici ! toi aussi tu écris bien. bzzz.
"crottin maison"... nous en parlions ! des couleurs pour la maison ! rigolo ! !
Il ne faut surtout pas le répéter ; ça ne doit pas se savoir, mais je crois qu'il y a plus de couleurs dans ce billet que sur mille nuanciers de Flamant.
Ne le répéter surtout pas à Gwen ; mais il y a bien loin d'ici une aquarelliste des mots très proches qui sait rappeler avec talent que les lettres ça sert à peindre, sentir et goûter .. sans le dire.
Ils sont attachants ces billets, écrivaine.
Pays de Neige
Ici, dans ma vie, c'est Pavés du Nord pour le thé au salon, Belle Ile en Mer pour les cookies sortant du four. Moyen Age veille sur nos nuits. Pas très loin de la rue Esquermoise.
Cécile
"Il est des jours où il est plus facile de vivre dans le regret de ce qu'on ne sera jamais plutôt que dans la satisfaction de ce qu'on a réussi à devenir."
Pas toujours facile de voir le verre à moitié rempli plutôt qu'à moitié vide... Certains surinvestissent parfois dans leurs enfants qu'ils "poussent" et au travers desquels ils espèrent se réaliser ... D'autres se réfugient dans des activités diverses menées aux limites de l'absurde ... D'autres encore dans la morosité et l'absence d'envie ...
On est pourtant souvent meilleur qu'on ne pense ... il suffirait parfois juste que quelqu'un vous le dise !...
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