2.11.08

"Est-ce que la solitude est encore possible?Est-il possible de choisir sa solitude,sa vie?"

"J'aime la solitude quand elle est assumée, fructueuse.
Un homme est libre dès lors qu'il parvient à disposer chaque jour de trois ou quatre heures pour lui et pour lui seul. J'ai besoin de ce temps-là pour mes lectures, pour marcher, rechercher en moi des idées d'écriture et les écrire. Lorsque ce n'est pas le cas, rien ne va plus…"
Eric Faye. (Extrait d'une interview à lire ici)

Trois fois, les courbes de notre bibliothèque modulable inventèrent d'autres dessins.

Rue Durnerin, nous avions peint en bleu doucement grisé le mur sur lequel nous avions percé plus d'une quinzaine de trous afin d'y figer ses mouvements.
Des autres murs, on ne voyait plus la couleur car ils étaient couverts de livres jusqu'au plafond.
La teinte anis du canapé s'accordait bien avec le gris de la fourrure de Médor et il y faisait bon lire pendant des heures en respirant le parfum de la soupe en train de cuire ou du gâteau qui ne tarderait pas à sortir du four.
Un jour de 1998, ce fut dans ce décor que je refermai Le mystère des trois frontières, le premier livre d'Eric Faye que je lisais et qui me causa un choc similaire à celui ressenti, une dizaine d'années plus tôt, à la découverte de Gracq.

Dix ans plus tard, l'adjectif modulable définit encore parfaitement ma bibliothèque puisque, pour y ranger la presque intégrale de l'oeuvre d'Eric Faye que j'ai emportée à bout de bras contre une centaine de yens, il m'a suffi de ramasser sur le trottoir du petit matin de ce dimanche une nouvelle caisse en bois.
Le plafond se rapproche.

"Demain serait un lundi et l'homme appréhendait de repasser par là. Il prendrait le métro. Il se laisserait complètement absorber par le travail. Ensevelir. Autant être vaincu totalement. Il désinfecterait son cerveau jusqu'à ce que la moindre pousse d'espoir crève, mais crève... Pendant qu'il cherchait le sommeil, ce dimanche soir, une intuition germa. On lui avait volé sa vie. Une porte se dressait dont il n'avait pas la clé et il aurait payé cher pour savoir ce qu'elle cachait. Il vivait confiné dans une pièce avec sa femme, leurs enfants, son patron, ses collègues, ses tantes cancéreuses et ses frères cupides, à deux pas de cette porte qu'il aurait aimé prendre par surprise. L'ouvrir d'un coup sec, nom de Dieu. Peut-être serait-il tombé sur un débarras sans intérêt. Ou peut-être, qui sait, sur une cité perdue. Qui avait commis ce vol, quand ? Pourquoi se sentait-il lésé d'une part de lui-même et devant quelle juridiction demander réparation ? C'était à se taper la tête contre la porte. Voilà ce que je crois avoir oublié depuis tant de temps, se dit-il, ce dimanche soir, voilà : la clé de cette foutue porte."
Eric Faye. Un clown s'est échappé du cirque.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

rue durnerin à Lille?

Gwen a dit…

Yes !

Anonyme a dit…

vous si loin, vous avez donc habité à quelques mètres de chez moi maintenant... pour une surprise...

Gwen a dit…

Ah ah, tout arrive ! Comme dirait Ionesco :
"comme c'est bizarre, comme c'est étrange et quelle coïncidence !"
Mais, si nous étions dans une pièce de Ionesco, il s'agirait du même numéro de la rue, du même appartement, etc. !