16.11.08

Mes carnets (et son Moleskine)

"Quelques temps après, je séjournais à la campagne, et toutes sortes d'idées mélancoliques me passaient par la tête, quand je reçus de l'Impératrice, en un paquet, vingt cahiers de superbe papier. Sa Majesté me faisait dire de revenir, et m'écrivait : "Si je vous envoie ce papier, c'est que je me rappelle ce que vous contiez l'autre jour. Mais comme il semble d'une qualité inférieure, vous n'y pourrez sans doute pas copier l'Ecriture de longue vie."
(...)
Ravie, je m'empressai de faire, avec le papier que j'avais reçu, un cahier de notes, et, en vérité, j'eus tant de plaisir que j'oubliai mes ennuis, et que je me sentis charmée au plus profond du coeur."
Sei Shônagon. Notes de chevet

De même que nous sommes nombreux à lire dans les trains, les cafés, nous le sommes tout autant à y noircir quelques pages d'un carnet.
Ici, la tenue d'un journal est une pratique ni spécialement féminine ni anecdotique. Ne jamais sortir sans papier ni crayon pourrait être un principe de vie -même en temps de guerre. Même si, maintenant, on peut acheter de quoi écrire tous les 150 mètres dans les combinis- et, si mon sac est toujours si lourd, c'est que moi, je l'applique.

"Yasuko se releva lentement, alla prendre un cahier dans le tiroir d'une commode, et le remit silencieusement à Shigematsu. C'était son journal pour l'année 1945. Deux drapeaux se croisaient sur la couverture : le Soleil levant, emblème national, et le Soleil dardant ses rayons, emblème de la Marine. Yasuko l'avait rédigé lorsqu'ils étaient encore à Hiroshima, au quartier de Senda, chaque soir, après le dîner, assise à la table du petit salon. Si fatiguée qu'elle fût, elle n'avait jamais manqué de l'écrire.
Sa méthode était la suivante : plusieurs jours de suite, elle n'écrivait que quatre ou cinq lignes, et tous les cinq ou six jours, elle reprenait en détail tous les événements des jours précédents. C'était une méthode pratiquée par Shigematsu lui-même depuis longtemps, et comme il la lui avait enseignée, elle l'avait adoptée. Lorsqu'on rentrait tard à la maison et qu'on avait trop sommeil, on se contentait d'en finir le plus vite possible, d'où l'idée de ce procédé que Shigematsu appelait "en gros et en détail".
Masuji Ibuse. Pluie noire.

"Je suis aussitôt allé chez M. Nojima pour le remercier et en même temps voir ce qu'il en était pour lui. J'ai remarqué les traces de pluie noire à ses mains à lui aussi, comme il se hâtait dans ses préparatifs d'exode.
"Est-ce du gaz toxique ? lui ai-je demandé.
-Ce n'est pas du gaz, non, a-t-il répondu en mettant dans un sac à dos des provisions de bouche et des cahiers, ce n'est pas du gaz."
Masuji Ibuse. Pluie noire.

J'aime particulièrement quand les écrivains se saisissent du motif du journal et nous font lire par-dessus l'épaule de leur personnage.
Et quand c'est Henry James qui se prête au jeu, forcément, le récit est particulièrement retors.
"Je viens de relire les pages de mon journal pour la première fois depuis -je ne sais quand. Elles sont toutes remplies d'elle -et plus encore en pensées qu'en mots. Je crois que je les lui montrerai quand elle reviendra. Je lui ferai lire ce cahier : je resterai assis à côté d'elle et j'observerai l'expression de son visage -j'observerai la révélation du grand secret."
Henry James. Un peintre paysagiste.

2 commentaires:

Gisèle a dit…

Bonjour,

Traveller's notebook est ce un titre de livre, une publicité , une carnet ? merci.
Toujours aussi agréable à suivre ce blog !
Gisèle

Gwen a dit…

La photo du traveller's note book est une pub pour le carnet que j'utilise pour mon "journal en voyage".
Merci de me suivre, Gisèle !