23.5.09

L'heure anglaise (9)

A cinq heures, la lumière est blanche derrière les rideaux et je suis réveillée. Le silence profond est entrecoupé parfois d'un corbeau, parfois du moteur d'un taxi qui gravit la côte.
Au petit matin, l'heure est un peu anglaise et la journée commence entre les draps et les pages, entre le flux et le reflux du courant de la vie. La vie de Virginia Woolf. La mienne aussi.

"Nous voilà en pleine saison d'édition : Murry, Eliot et moi-même tombons ce matin entre les mains du public. Peut-être est-ce à cela que je dois de me sentir légèrement mais incontestablement déprimée.
Comme le remarquait un jour Sydney Waterlow, le pire, lorsqu'on écrit, c'est que l'on soit tellement tributaire des éloges. Je suis à peu près certaine que cette histoire ne m'en vaudra aucun, et je n'y resterai pas tout à fait indifférente. Sans encouragement je trouve difficile de me mettre à écrire le matin, mais cet abattement ne dure qu'une demi-heure et, une fois au travail, je n'y pense plus du tout. On devrait sérieusement s'efforcer de ne pas tenir compte de ces hauts et bas. Ici un compliment, là le silence, des commandes pour Eliot et pour Murry, aucune pour moi, cela ne change rien à l'essentiel, qui est le plaisir que mon art me procure. Et je me doute que ces brumes de l'esprit ont d'autres causes, encore qu'elles soient profondément cachées. Il y a dans le courant de la vie un flux et un reflux, qui l'expliquent, mais quant à ce qui provoque ce flux et ce reflux, je ne sais."
Virginia Woolf. Journal intégral. Lundi 12 mai 1919.

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