Là je suis... (10)
ça finissait souvent comme ça : ils me tendaient des billets, un chèque ou leur carte bleue après que je les avais écoutés parler de la femme de leur vie, la mère de leurs enfants, leur nouvel amour ou même leur mère.
Ils étaient parfois touchants, parfois parodiques : "elle est... le matin quand elle se lève, elle... et ses cheveux sont..." ébauchant davantage le portrait de leur sentiment que celui de la personne aimée.
Elégants, charmeurs, timides, vulgaires, passionnés, pressés, excessifs, généreux, égoïstes, indécis, heureux, pingres ou flambeurs... amoureux.
En les voyant défiler, j'avais parfois l'impression de diriger un casting.
Certains me demandaient de leur donner la réplique : "si vous étiez elle, qu'est-ce que vous aimeriez, vous ?".
Je jouais mon rôle, leur répondais ce qu'ils attendaient. Jamais je n'ai dit que j'étais soulagée de ne pas être "elle", pourtant ça m'a parfois brûlé les lèvres.
Certains me regardaient vraiment. D'autres moins attentivement : "elle est exactement comme vous. Enfin, juste un peu plus petite, blonde et frisée".
De ces relations payantes, j'ai beaucoup appris des hommes.
Je ne m'y attendais pas en signant mon contrat : les emplois ont souvent des noms banals qui n'évoquent pas toutes les surprises qu'ils peuvent réserver.
Plutôt que : tu vas être vendeuse à la bijouterie, on aurait tout aussi bien pu me dire : là, tu vas être...
Là je suis : quand j'ai dit à Mme Gâ que j'aimerais faire, un jour, un métier qui me permettrait de lui commander des cartes de visite, elle m'a prise au mot et m'a envoyé quelques propositions ... qui sont devenues, pour moi, une source d'inspiration !
Vous pouvez lire la série ICI
Pauvre Sophie Calle qui a dû, elle, se contenter de l'imagination de Paul Auster !!!
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