15.8.08

Un jour chaud


Au premier étage du café, les murs sont aubergine et les fauteuils confortables.
Les fenêtres donnent sur la rue piétonne, les branches des arbres agitées par un vent mou, le joli restaurant qui tarde à ouvrir.
Seul l'escalier non climatisé rappelle que le ciel bleu traversé d'avions et de nuages d'été est un leurre aussi efficace qu'un décor mais que, au-dehors, la brûlure du soleil n'est pas factice.
Dans ce jour chaud, je laisse passer les heures au gré des gorgées d'un gobelet de lait de soja et je me transporte dans l'hiver vénitien, des histoires de glace et de ce qui pourrait être de l'amour.

"Je lis tout, même après, le dépôt légal et la quatrième de couverture.
Quand j'ai fini, je referme le livre.
Je ne le lâche pas.
Je ne sais pas combien de temps je reste là. Quand je relève la tête, il ne pleut plus.
Sur la table, il y a le gâteau et la boule de sorbet qui a fondu."

"-Vous lisez l'italien ?
-Non.
Au fond, une étagère à part. Des livres en français.
-Tenez, prenez ça, Duras, Un barrage contre le Pacifique, ça devrait vous plaire."

"Vous ralentissez et on recommence à marcher côte à côte. On débouche sur une grande place Le Campo San Stefano.
-Ici, l'été, c'est envahi de monde. Il ne faut pas venir.
-Où il faut aller l'été ? je demande.
-Nulle part. Il faut acheter des livres et rester chez soi."

"Hemingway venait là lui aussi. Et puis Barrès, Proust, Morand...
On revient à cela, toujours, immanquablement.
-Vous les aimez tant que ça tous ces gens ?
-Je les aime oui.
-Tellement ?
-Tellement.
-Et vous venez là parce qu'ils y sont venus ? Les livres ne suffisent pas ?
-C'est la vie qui ne suffit pas.
-Mais les livres, ce n'est pas la vie ?
Vous souriez.
-Peut-être que vous avez raison."

"On reste ensemble. A parler. Toute cette heure entre trois et quatre.
Vous me montrez des livres, vous les posez devant moi, en poussant les tasses. Vous poussez tout. Sauf le chat. Le chat, vous ne le dérangez pas.
Des poèmes de Rainer Maria Rilke. Les cahiers de Malte Laurids Brigge, Primo Levi, Sepulveda. Je ne retiens pas tout. Vous riez.
-Il faut absolument lire ça !
-Pourquoi ?
-Pourquoi !
Vous riez encore à cause de tout ce besoin de lire. Cette parole-là, autour, qui vous allume les yeux.
-Les livres ! vous dites, les livres !"

"-Vous avez toujours vécu au milieu des livres ?
-Toujours.
-Et quand il n'y a pas de livres ?
-Il y a du temps que l'on m'arrache, du temps que je perds. J'essaye de lutter...
Vous souriez, consentant.
-Mais je m'efforce de gagner chaque jour ma part de bonheur.
Vous me regardez.
-Vous avez froid ?
-Non.
-Vous tremblez."
Claudie Gallay. Seule Venise.

3 commentaires:

Agnès a dit…

Des photos magnifiques, je reconnais la Tsukiji. Oui, l'ete il faut rester chez soi et lire, et je pense que je vais acheter ce livre! Merci Gwen, le cafe etait donc aubergine...

Anonyme a dit…

Arrivé trop tard après l'ookami ; les poissons envolés, il restait une tokyo tower pour les rattraper.

Mélie a dit…

:))