19.12.08

Les temps de l'indicatif

(Je dis "tranche napolitaine" mais je crois n'en avoir jamais mangé. Je ne peux pas penser sérieusement que le machin tricolore qu'on nous servait parfois à la cantine du lycée Voltaire pouvait porter ce nom ni aucun autre tant ses trois couleurs avaient la même absence totale de goût. On aurait pu manger du papier. Et encore : on dit de certaines pages de nos lectures qu'elles sont savoureuses.)

Il m'est venu à l'esprit cette image de tranche napolitaine à propos de cette journée alors qu'elle était en train de s'achever.

Ce matin, c'était tellement joyeux de le dire au passé, ce verbe "me manquer", tandis que le parfum chocolaté de l'american breakfast tea annonçait nos vendredis matins retrouvés.
C'était tellement joyeux que j'ai fait semblant, quelques heures après, d'ignorer ce qui me serrait le coeur malgré le bleu d'Higashi Ikebukuro, malgré mes yeux au ciel.

Plus tard, dans la Yamanote, sur le clavier du téléphone sur lequel je compose plus souvent des mots que des chiffres, l'indicatif est redevenu bien présent pour conjuguer le même verbe.

A la fin du soleil, alors que les balcons se teintent de rose et que les SDF sont déjà enfouis dans leur duvet que n'isolent de l'herbe que quelques couches de carton, alors que je traversais le parc, l'envie m'est venue de baisser les bras et de laisser monter les sanglots.
Car, à cette heure fragile du jour, il ne me restait que la perspective d'un éternel futur pour dire ce p... de verbe qui fait si mal au coeur.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

De la semaine napolitaine qui fut la mienne il y a quelques jours et de cette absence qui fut la nôtre, je me rappelle ce matin où, ayant raccroché mon téléphone, j'ai fondu en larmes sur mes draps.

Et je me souviens ensuite, restée là comme une bulle de rire, le bonheur de cette cuillère de syrrruuuuup de liège dont je garde la saveur et pas seulement l'image.

Je ne peux que nous savoir, ni nous rêver ni nous croire - nous savoir, comme troisième couleur à venir et pour clore notre absence, dans deux ans, ensemble, dans la ville de B.

Anonyme a dit…

Comme si tout voulait se conjuguer au futur du définitif Il y avait des branches et des voiles qui tombèrent sur le papier marchant sur les racines marchant vers une lampe commune un nom arrivé au même moment un instant il a dit je suis un nom commun et je vous ai reconnu Franchies les montagnes du sable chaud dans les poches ce soir là tout se conjuguait dans le nom d'un autre d'un notre temps.

Anonyme a dit…

Trois couleurs - Bleu
comme votre ciel d'Ikebukuro,
comme un éléphant en fuite,
comme une couleur préférée,

Trois couleurs - Blanc
comme un soleil d'hiver,
comme un linceul,
comme une page vierge à écrire,

Trois couleurs - Rouge
comme nos yeux mouillés,
comme la terre d'Australie
comme le Rotes Rathaus de la ville de B...

Bleu, Blanc, Rouge, une patrie qui ne me retient plus que par deux crabes.

Je compatis.
Peter Charles T.

(merci Kieslowski)