7.12.06

Comme une tartine de confiture

Même si nos montres ont des aiguilles, il faut savoir franchir les grilles du parc comme passer de l'autre côté du miroir, comme entrer dans le rêve.

Sur le gazon décoloré, immense et déserté, le pas est élastique. On a des sensations de Wimbeldon.

Plus loin, on s'asseoit sur un banc dans le soleil. On écoute le bruit du rateau et du sécateur des jardiniers qui taillent la barbe des arbres.

On écoute le bruit des obturateurs des appareils photo des admirateurs des couleurs de l'automne.

On écoute les voix un peu âgées, qui font de la langue japonaise une musique rythmée, qui se remémorent un voyage à Kyoto, il y a deux ans, quand les feuilles étaient également rouges et belles.

Ces moments sont des parenthèses minuscules dans une longue journée mais ils relèvent de la vraie vie.

Non pas de celle qu'on picore comme on ramasserait les dernière miettes de brioche sur la table, du bout de l'index et en pensant à autre chose pendant que le thé refroidit.
Non.
De celle qu'on mord sans souci. Comme on entamerait une tranche de pastèque ou une épaisse tartine à la confiture de figues, sans réfléchir aux moustaches sucrées et poisseuses qu'elles vont nous imprimer sur les joues...
Il faut savoir faire des provisions des moments doux et bons en prévision de l'ennui ou l'ordinaire ou l'indifférence qui, si vite, enferment les journées dans une suite qu'on est prompt à oublier.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

C'est étonnant de voir le même paysage en été puis en automne. Quand je pense qu'il y a encore quelques mois l'herbe était toute verte et que les amoureux y faisaient leur nids!