6.2.09

Les rides d'Anne

C’était l’hiver à Orléans et je traversais la Loire à pied.
Plus tard, Henrietta m’a dit qu’elle était sur le pont, elle aussi, arrêtée au feu dans sa voiture, elle m'avait vue sans que je le sache.
Nous n’avons pas réussi à prendre ensemble le thé sur lequel on comptait.
Et, depuis cette déception, j’ai décidé que je laisserai faire ma vie -ou, à défaut, le hasard- qui décidera seule des visages du passé que je croiserai à nouveau.

Anne n’avait pas mon âge quand, pour mes 28 ans, elle m’a offert cet « auto-portrait vieilli » gravé si légèrement qu’on dirait un dessin au trait.
Recevoir des cadeaux ne m’est jamais indifférent mais déballer des peintures, des dessins, des photos, des collages, des calligraphies qu’on me destine me touche bien davantage que je ne saurais le dire.

Anne m’avait accompagnée chez l’encadreur. Et puis, petit à petit, sans que nos volontés s’en mêlent, nous ne nous sommes plus vues.

C’était l’été à Lille. Quelques semaines avant Tokyo, le TGV pour Paris était à quai et un couple s’embrassait sans gravité. Les au-revoirs de deux amoureux qui n’attendront pas longtemps avant de se retrouver.
Le garçon n’était pas le même que celui d’avant. Mais Anne n’avait pas changé. Sa dégaine d’oiseau, sa silhouette légère… Je l’ai reconnue sans hésiter. Je suis passée sans déranger.
Notre train est parti mais ce n’était pas elle qui s’en allait.

Du sac de cadres arrivés de France a surgi le visage d’Anne. Je ne ferai rien pour le comparer avec ce qu’elle devient et continuerai à voir, à travers les rides qu’elle s’est dessinées, son sourire émouvant, cette belle image d’une femme jeune et amoureuse sur le quai d’une gare.

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