22.2.09

L'heure anglaise (8)

Le printemps ne serait-il pas, comme le reste, une affaire de marketing ???
N'est-ce pas en voyant les feuilles de sakura entourer les mochis dans les vitrines des pâtisseries qu'on a hâte que les arbres fleurissent ?
N'est-ce pas en voyant les jolies matières fluides des chemises légères dans les boutiques qu'on a envie de l'herbe grasse sous la nappe des pique-niques ?
J'essaie de me rappeler que, en février, je suis en tee shirt pendant les trois heures que consacre le soleil à mon balcon mais que des pantalons en lin ne sont pas adaptés au reste de mes journées.
Mais, à l'heure du thé, je m'aperçois que je ne suis pas seule à me soucier de la question vestimentaire.

"J'ai refusé étourdiment de déjeuner avec les Phil Baker, qui sont venus chercher L. dans leur automobile. Tout à coup, il y a dix minutes, j'ai commencé à le regretter profondément. J'aurais pris tant de plaisir à leur conversation, tant aimé voir leur maison et faire assaut d'esprit avec eux ! Maintenant la seule chose raisonnable qui s'impose est de m'offrir en compensation un plaisir que je n'aurais pas eu si j'étais allée à ce déjeuner. Je n'en vois point d'autre que d'écrire ici et de faire le tour du square. Sans en avoir conscience, je dois toujours batailler avec mon complexe vestimentaire. Lorsqu'on me propose une sortie, ma première pensée est que je n'ai rien à me mettre pour l'occasion. Todd ne m'a jamais envoyé l'adresse de cette boutique. Peut-être l'ai-je vexée en refusant de déjeuner avec elle. Mais la Virginia qui refuse est une personne très instinctive et, par conséquent, d'un grand pouvoir. Celle qui réfléchit et qui est sociable ne fait surface que bien après. De là le conflit."
Dimanche 9 mai 1926

"Je m'en vais régler le problème vestimentaire en me référant à ces principes : me procurer des vêtements bon marché pour le jour et une bonne robe de chez Brooke; et me montrer moins pointilleuse sur le chapitre du plafond à ne pas dépasser, car je gage que je n'ai qu'à écrire et à me remuer un peu pour dispenser d'au moins cinquante livres supplémentaires dans l'année, pour mes extravagances personnelles. Je ne laisserai plus jamais la pensée d'un manteau à trois livres m'accabler au milieu de la nuit, ni ne craindrai plus de déjeuner en ville parce que "je n'ai rien à me mettre".
Jeudi 30 septembre 1926

"Je renonce à tout espoir d'être bien habillée."
Samedi 11 décembre 1926
Virginia Woolf Journal intégral 1915-1941.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

C'est quand soudainement jusque dans les rues embaument les odeurs de fleurs, quand tout à coup dans l'air froid une légèreté et une douceur se font sentir, quand la fraîcheur de la tombée du jour nous fait réaliser que l'air était étrangement doux jusque là, quand le cri d'un martinet ou d'une hirondelle traverse l'arrivée du soir, c'est dans ces moments-là, quel que soit le jour indiqué par le calendrier grégorien, que le printemps nous invite et que notre coeur se remplit de joie... Et alors il se trouve qu'on est toujours trop chaudement vêtus ou que le temps d'en profiter, déjà l'air se refroidit...
Mais ça, tout compte fait, cela fait partie de la beauté de l'existence qui, sans-cesse et dans ses moindres détails, toujours aime à nous surprendre..

Ainsi d'une pluie de sakuras un jour sans vent.

Es-tu partie si loin, dans tes pensées, pour l'avoir oublié ?

DesBIses !
Ju