22.4.07

Une heure en France

"Depuis le temps qu'il prolongeait son séjour, on pouvait bien se demander s'il avait oublié sa femme et ses enfants. Mais s'il était resté, ce n'était pas qu'il ne pût ou ne voulût quitter Komako : c'était tout simplement parce qu'il avait pris l'habitude d'attendre ses féquentes visites."

"Elle a tout pris de son père mais tout le monde dit qu'elle a mes yeux."

"Il le savait fort bien, comme il savait aussi que plus il s'offrait aux sollicitations d'un continuel assaut, plus il se demandait d'où venait son propre défaut, le manquement chez lui, qui lui interdisait de vivre comme elle vivait, avec intensité et plénitude."

"On est déjà 17, pour ce soir. En même temps, ça va vite. Vous venez, hein?"

"Il restait là, pour ainsi dire, à contempler sa propre froideur, absolument incapable de comprendre comment elle avait réussi de la sorte à se perdre, à tout lui donner d'elle-même sans recevoir, en vérité, rien en échange."

"Elle ne dort pas tellement l'après-midi mais elle dort bien le matin. Comme ça, je peux prendre ma douche et faire des trucs pour moi."

"Et voilà qu'au fond de son coeur il l'entendait à présent, Komako, comme un bruit silencieux, comme de la neige tombant muettement sur son tapis de neige, comme un écho qui s'épuise à force d'être renvoyé entre des murs vides."

"En ce moment, on a des amis à la maison mais à partir du 1er mai, on va être plus disponibles."

"Il savait maintenant qu'il ne pouvait pas indéfiniment continuer à se choyer lui-même et à se laisser choyer de la sorte."

"Tu vois, Céleste, lui, il est facteur."

Plus tard, après Shibuya, après Harajuku, il y a eu la Yamanote. Le train comme un refuge. Et des conversations que je peux ne pas entendre.

"Penché sur le feu de braises qu'on avait placé dans sa chambre avec la première neige, Shimamura se dit que précisément il était peu vraisemblable qu'il revienne jamais en partant d'ici."

Il lit, lui aussi. Mon genou contre le sien. Mon coude contre le sien. Et c'est juste doux. Et je voudrais rester là longtemps, dans ce wagon, dans ce pays, dans ce livre et contre lui.
Mais il descend à Ikebukuro.

"Partir. Son heure était venue."
(Yasunari Kawabata. Pays de neige)

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Elle était seule, elle avait un piercing sur le nez, et le nez plongé dans son livre.
Elle nous suivait de près, de très près même, et tout comme nous, elle a passé une heure en France...
Au pays des cloisons en papier, les murs ont des oreilles...
Si elle a passé un bon moment cette fois-ci, nous lui donnons rendez-vous dans deux semaines pour une deuxième heure en France!

Gwen a dit…

J'ai fini mon livre dans la Yamanote. J'en aurai un autre dans deux semaines mais j'essaierai de passer moins d'une heure en France... et je scruterai les anonymes qui me précèdent !

Anonyme a dit…

Yuki Guni ! en lettres noires sur fond blanc, de 1991, me révèle l’auteur et ses fondus enchaînés ; ses pauses avec le temps, miroir des plans fixes du cinéma d’Ozu découvert il y a encore trop peu. Pages vierges qui te laissent vivre seul ce drame trop humain ; non, nous ne serons jamais Shimamura : c’est un roman d’ailleurs, d’une autre culture et d’un autre temps qui pourtant nous racontent un peu trop ce que serait notre ici ; nos passions et peut-être notre histoire. Lecture de Nuée, essai de tristesse et de beauté, abandon du grondement de la montagne, oui relecture de Meijin, non rien y fait : ce pays de neige m'a parlé et ses glaces me renvoient une image : Yuki Guni, en fond blanc sur lettres noires, de 1991 me révèle l’auteur enchaîné.

Pays de Neige