Brèves d'un dimanche matin.
A 6H30, le soleil dépose des reflets roses sur les toits voisins. Mon inconscient doit le savoir, qui m'éveille à cette heure-là pour que j'en profite.
La machine à laver ronronne pendant que je glisse un filet de vanille dans la pâte des scones.
Il n'y a plus de beurre dans mon frigo et il n'est pas temps, encore, de quitter mon pyjama pour aller en acheter. Mais il reste de l'huile d'olive, c'est bien aussi.
Dans la cuisine, penchée sur le robot, je repense à la veille. Le goût de la liberté est celui de l'anguille. Et rester le temps que je veux assise sur un banc à Sugamo, c'est tout ce que je demande à la vie.
Parfois, je fais le pari de ne rien acheter avant qu'il n'y ait vraiment plus rien à manger chez moi.
Mais je ne voudrais pas me dispenser non plus des moments passés ici, contre les coussins, à tapisser la pièce de nos mots.
Haricots verts dans le congélo. Pâtes et pulpe de tomate dans le placard. Levure (bientôt la fin) et vanille et poudre d'amande dans le tiroir du bas. Carottes, pommes de terre, lait, lait de soja, yaourt, tofu, miso dans le frigo.
Parler de nos anciennes blessures les ravive ou les soigne ?
Cinq minutes de préchauffage. Dix minutes de cuisson.
Au réveil, l'autre jour, j'avais oublié la question que, dans mon rêve, je lui avais posée. Mais demeurait le souvenir, si net, de sa réponse : "Mais c'est parce que tu étais si négative !". Elle avait raison. Nous avions 14 ou 15 ans et je n'avais pas beaucoup d'estime pour la vie.
A la sortie du four, le thé est vert et les scones ont de jolies taches de rousseur.
ça m'arrive de me demander si moi, j'apparais parfois dans les rêves des autres comme eux dans les miens. Ou alors si je ne suis qu'une pâle silhouette dans l'arrière fond de leurs souvenirs, quelqu'un qui fait de la figuration et dont on ne connait pas le nom.
Il y a du vent mais j'irai à mon rendez-vous à vélo.
Il y a une tache verte dans ma tasse Moumine. Je repense au papa Ours "quelqu'un a bu dans ma tasse". Mais non, Boucle d'Or n'est pas venue dans mon sommeil : c'est une algue de ma soupe de la veille qui a tenté de s'incruster dans la porcelaine.
J'ai le temps, c'est à midi.
Le regard qu'il a sur moi à présent se superpose à ce qu'il a vu de mon adolescence. Quand il me parle de qui j'étais, je mesure le chemin parcouru.
J'aimais déjà le soleil mais je ne mangeais pas de scones le dimanche matin. Peut-être que j'aurais dû.
1 commentaire:
"Parler de nos anciennes blessures les ravive ou les soigne ?"
Probablement les deux, la guérison passe par un dépassement de ce qui nous fait souffrir, ce qui nécessite de s'y replonger ... pour progresser. On est guéri quand on n'en souffre plus ...
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