6.8.07

"Tokyo est plein de bruits qu'on n'entend pas. Evidemment, il y a les fréquences des appareils d'écoute clandestine, les téléphones sans fil, les ondes des bipeurs. Et puis, maintenant presque chaque habitant de Tokyo dispose d'un ou même plusieurs téléphones portables. Un réseau incroyable d'ondes toujours plus nombreuses se croise dans Tokyo. On dit que c'est une ville bruyante, mais le véritable vacarme, c'est celui qu'on n'entend pas..."
Tokyo décibels Hitonari Tsuji

Dans le train, les voix de tous les voyageurs qui se superposent, s'entrecroisent, tapissent ma conscience d'un bruit de fond bigarré duquel, parfois, se distingue un mot connu que je ne fais pas l'effort de relier au reste.
D'autres fois, quand la porte s'ouvre à une gare, c'est le chant des cigales qui envahit le wagon.
J'ai la tête pleine de bruits. Et lisant Tokyo décibels, c'est une autre sorte de bruits qui se superposent à ma réalité.
Le temps passe au fur et à mesure des correspondances, des changements de trains. Au fur et à mesure, les heures n'ont plus de réalité.
A chaque gare, voir le flot de gens qui vivent leur vie sans savoir que j'existe.
Nos vies perdent leur sens pendant les longs voyages. Il y a juste des permanences, des pensées récurrentes qui nous rappellent qui nous sommes.

(Et quelle est cette fatalité qui veut qu'une banane à peine mûre en début de voyage soit invariablement molle et à moitié écrasée quand on la sort et l'épluche au milieu du trajet ?)

"-Les gens ont installé des fenêtres à double vitrage chez eux pour ne plus entendre le vacarme extérieur. Alors le vacarme a disparu, c'est certain, mais le son des cloches aussi... Et puis, vous savez, les gens sont bien trop occupés pour s'intéresser au bruit d'une cloche.
-De nos jours, si on ne cherche pas exprès à écouter, on ne peut plus rien entendre, n'est-ce pas ?
Le moine hocha la tête, les lèvres serrées en une fine ligne droite. J'ajoutai comme pour moi-même :
-Le son des cloches a sombré au fond des jours trop bien remplis... Voilà une réponse bien actuelle à ma question.
-La nuit qui précède le jour de l'an, on sonne huit cent coups, pour apaiser les cent huit désirs humains. A l'origine, vous savez, le son des cloches avait pour but de pacifier l'esprit des hommes."

1 commentaire:

Anonyme a dit…

A Antai-ji ou ailleurs, avant d'entonner l’Hanna Haramita Shingyo, ils entendaient le son de la cloche, celle qui congédie.

Cet ultime battement, fin d'une surdité, qui jadis annonçait la lente combustion et le feu du Kyosaku.

Les robes noires en Rakusu entendaient dans le ventre la fin de Rohatsu et se rappelaient alors l'absence des sons oubliés ; il n’y avait plus de temps également mais les braises d’un feu à tenir, seul, au centre des mains.

Oui, ces cloches annonçaient toujours l'extinction lente, immuable et douloureuse qui consumait sans tricherie la racine des désirs, les miroirs du moi, et abandonnait au passeur les cendres du Sens illusoire, perdues tout au long du voyage.

Oui "Nos vies perdent leur sens pendant les longs voyages" ; et ne gagnent-elles pas à trouver un autre sens à l'issu de l'heureux voyage ?

Ce double-vitrage qui permet de ne plus entendre les cacophonies intérieures, les habitations calmes ; "on ne s'entend plus" disaient-ils.

A Antai-ji ou ailleurs, avant d'entonner le dernier Sutra, ils entendaient le vacarme de la cloche.

Pays de Neige.